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Immigration : la liberté de circulation n’est pas le problème mais la solution !

24.06.2014

Dans la continuité du side-event sur « la gouvernance mondiale des migrations » organisé à Genève en juin 2014, trouvez ci-dessous la tribune de Emmanuel Poilane, directeur de France Libertés et de Jean Rousseau, président de l'Organisation pour une Citoyenneté Universelle (O.C.U) publiée dans Marianne.

Les politiques migratoires nationales et européennes ne cessent de renforcer un discours « sécuritaire » fondé sur la traque des étrangers et sur leur expulsion, alors même que le coût et les résultats de ces politiques sont d’une profonde indigence.

Les fondements de ces politiques sont atterrants tant ils méconnaissent la réalité des phénomènes migratoires. Comme le montrent les travaux des économistes E.M  Mouhoud, L.Miotti et J. Oudinet, nous n’accueillons pas la misère du monde : relativement peu de migrants sont issus des pays ou des familles les plus pauvres (il faut avoir un capital économique et culturel pour tenter de migrer) et ils sont désormais relativement éduqués. Depuis ces dernières années, la population mondiale née dans un autre pays que celui où elle réside s’est stabilisée  entre 2 et 3%. L’immigration mondiale n’a pas non plus augmenté ces vingt dernières années, seulement 0,6% de la population mondiale environ a quitté son pays pour s’installer ailleurs.

Malgré l’aberration que constitue la fermeture des frontières, les alternances au pouvoir produisent pourtant des politiques qui se ressemblent, en France comme en Europe où le programme européen Frontex mène la guerre aux migrants et où la coopération s’exerce de façon privilégiée… dans le domaine du contrôle et de la répression ! Ces orientations, en plus d’être fondées sur la peur, sont coûteuses et inefficaces. La droite et une partie de la gauche s’enferment dans des politiques désastreuses au lieu de bâtir les conditions d’une politique ouverte, à la fois humaine, réaliste et pragmatique.

En effet, en France comme en Europe, nous savons depuis des années que les migrations sont indispensables à nos économies vieillissantes, que les migrants consomment et donc stimulent l’emploi local, qu’ils cotisent davantage qu’ils ne coûtent en prestations sociales (le solde est positif de 4 à 12 milliards d’euros en France, plus du double en Allemagne !). Ils sont aussi bien plus actifs que les autochtones dans la création d’entreprises et l’innovation (les statistiques sur les dépôts de brevets l’attestent). Face à cet aveuglement, Emmaus International, la Fondation France Libertés et le mouvement Utopia ont créé l’Organisation pour une citoyenneté universelle autour de deux grands projets : l’appel à une conférence internationale sur la liberté de circulation et d’installation, sous l’égide de l’ONU, et le projet d’un passeport de citoyenneté universelle. De même que le cycle des conférences sur le climat, malgré ses limites, a permis une prise de conscience planétaire des enjeux environnementaux, un diagnostic commun et partagé sur les migrations devient indispensable pour déconstruire les idées reçues et pour dessiner et mettre en œuvre une autre politique migratoire à l’échelle planétaire. Parallèlement, l’initiative du passeport de citoyenneté universelle, en tant qu’outil politique, s’efforce de bousculer les frontières du droit international et de développer un réseau d’ambassadeurs de la citoyenneté universelle (parmi lesquels l’écrivain Taslima Nasreen, les chanteurs Tikan Jah Fakoly et Akhenaton, l’ancien directeur de l’Unesco Federico Mayor Zaragoza, le photographe Oliviero Toscani, la maire de Lampedusa Giusi Nicolini…).

L’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 dit : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. » Il est temps de s’en souvenir et de porter ce message pour que nos sociétés européennes choisissent l’humanisme et l’universalisme plutôt que le repli et la xénophobie, la construction d’un monde ouvert aux autres et prospère plutôt que le retour aux heures sombres de notre récente histoire.
 

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