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Coup de coeur, le livre noir de l’agriculture

24.06.2011

Notre système agricole est au cœur des problématiques d’accès à l’eau potable. Aujourd’hui, en France, il utilise près de 70% de la ressource en eau consommée.

L’accès à l’eau potable n’est pourtant pas une évidence pour l’hexagone. L’exemple de l’Eure et Loire où l’on s’inquiète que 40 000 personnes n’aient accès qu’à une eau potable non conforme, montre que les limites de la technique peuvent être atteintes. Le tout technologique ne permet pas de traiter l’eau contre les nitrates et les pesticides notamment.

Pourtant, les subventions pour le retraitement de l’eau sont injectées à coup de millions d’euros de fonds publics, mais cela ne suffit pas, ou en tout cas pas dans tous les cas.
Dans nos sociétés où la rentabilité est l’objectif premier, les usines de traitement d’eau ont un défaut majeur, elles ne sont rentables que pour les communes de plus de 15 000 habitants. Partout ailleurs, il n’y a pas d’investissement dans ces structures, l’intérêt général n’est pas une priorité. Il serait indispensable de réfléchir la protection de la ressource en amont pour que l’accès à l’eau pour tous en France reste une réalité.

Ce serait indispensable, mais notre système marche à l’envers. Nous subventionnons l’agriculture pour qu’elle augmente sa production via une irrigation toujours plus importante. Petit à petit nous mettons en danger la quantité d’eau disponible, nous la polluons pour produire plus et plus vite avec des productions inadaptées comme le maïs par exemple. Si elle vient à manquer localement, nous allons chercher de l’eau ailleurs à grand coût de canalisations en attendant que cet ailleurs soit aussi pollué ou en rupture d’eau. Nous marchons sur la tête, et la comparaison avec les Shadock a rarement été aussi adaptée.

Le pire de tout, c’est que l’ensemble de cette filière dévastatrice pour notre eau est subventionnée sur fonds publics à tous les niveaux :

Subventions publiques pour l’aide à l’agriculture irriguée
Subventions publiques pour la lutte contre les pollutions agricoles
Subventions publiques pour la connexion des réseaux d’eau dans les zones polluées

La facture ne peut qu’être lourde pour le citoyen lambda qui paye pour le développement d’une agriculture productiviste et donc pour développer la malbouffe à un rythme effréné.  C’est ce même citoyen qui paye aussi pour que les agriculteurs améliorent leurs pratiques, qui paye encore pour le réseau lui permettant d’avoir accès à une eau « potable » éloignée, qui finance encore la dépollution de l’eau utilisée par ses agriculteurs. Décidément, la facture est salée pour de l’eau potable !

Rien n’est fait pour améliorer la situation. Ce livre ne condamne pas en masse les agriculteurs, il illustre parfaitement le problème global. Ils sont eux-mêmes prisonniers d’un système qui les étrangle par le biais des emprunts et de la toute sainte rentabilité : l’argent, l’argent, l’argent.

Et là où on aurait besoin de moyens pour que la police de l’eau puisse faire son travail et contrôler un minimum la situation, rien n’est fait. Cela pourrait être acceptable si les quelques rares contrôles étaient rassurants. Malheureusement, il n’en est rien et sur les 30 000 contrôles effectués en 2008, 40% des exploitations étaient non conformes à la réglementation. Il est donc urgent de trouver une solution pérenne. Au-delà du drame actuel de l’agriculture productiviste, c’est notre bien commun qui est en danger.

Et non il ne s’agit pas d’opposer un mode de développement à la nécessité de résoudre le problème de la faim dans le monde. N’oublions pas en effet que pratiquement 50% de la nourriture produite va directement à la poubelle. Le modèle américain tant convoité nous offre des données impressionnantes : entre 15 et 35% de la production agricole est jetée à la ferme, il faut y ajouter les 26% de pertes à la vente et enfin ce que le consommateur lui-même jette à la poubelle.

En France, 1.2 million de tonnes de nourriture se retrouvent dans nos poubelles.

Si l’on prend la valorisation américaine des pertes alimentaires de 48.3 milliards de dollars, on peut estimer qu’il s’agit là d’une perte sèche en eau potable virtuelle de 40 000 milliards de litres d’eau soit assez pour satisfaire 500 millions de personnes.

Isabelle Saporta conclue ainsi son livre noir de l’agriculture :

« La moitié de l’eau utilisée pour cultiver les terres agricoles est gaspillée. Nous surproduisons, en mettant en danger nos réserves d’eau, l’équilibre des écosystèmes, sans parler de notre santé et celles de nos agriculteurs, tout cela pour quoi ? Pour satisfaire notre soif de gaspillage ».

Dans le même temps, 1.5 milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et 34 000 d’entre eux meurent chaque jour.

Notre société a perdu le fil de la réalité, pour assouvir sa soif d’argent. Quand serons nous capable de reprendre en main notre destinée en accordant enfin sa juste valeur à nos biens communs que sont l’eau, la terre, l’air et l’énergie et replaçant l’argent à son juste endroit, celui d’un outil au service de nos échanges ?

Il n’est pas trop tard, mais l’urgence est là.

Nous ne pourrons compter sur nos politiques pour faire évoluer le système que lorsque l’engagement citoyen sera tel qu’il sera intéressant pour eux de porter ces choix de société.

Pour essayer d’apporter notre pierre à l’édifice de l’engagement citoyen, nous avons lancé le 22 mars dernier l’opération « Prix de l’eau : Opération transparence » qui vise, en commençant par le prix de nos factures, à réfléchir sur les composantes du service public de l’eau.

Si vous vous penchez sur votre facture, vous retrouverez vos contributions à la lutte contre la pollution et pourrez identifier votre apport à la subvention globale agricole.

Rejoignez l’action de la Fondation sur www.prixdeleau.fr et participons ensemble à la construction d’une société plus intelligente en engageant les citoyens autour de nous à se poser les bonnes questions et à agir en conséquence.