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Catastrophe pétrolière au Pérou : l’entreprise PetroPerú récidive !

01.03.2016


La première rupture (équivalent de 2000 barils) a eu le lieu le 25 janvier dans le district Imaza (Amazonas) provocant la pollution de plantations de cacao et la contamination des eaux alimentant le fleuve Chiriaco. Quelques jours plus tard, le 3 février, un second déversement de l’équivalent de 1000 barils a été constaté dans le district de Morona (région de Loreto) contaminant le fleuve Marañón. Les images de ces dommages environnementaux parlent d’elles-mêmes :

Avertie à travers des articles publiés sur le site de notre partenaire péruvien, la SPDA, la Fondation Danielle Mitterrand tenait à informer sur cette récente catastrophe pétrolière. Les déversements de pétrole ou de déchets miniers sont de plus en plus fréquents et posent de véritables problèmes environnementaux et sanitaires. Dans le cas du Pérou, on estime qu’il faudra un an au minimum pour que les zones affectées soient dépolluées.

En outre, la catastrophe touche plus de 8000 habitants dont plusieurs communautés autochtones particulièrement mises en danger du fait de la pollution des eaux. Le Défenseur du Peuple, Eduardo Vega Luna a d’ailleurs demandé à PetroPéru que soit garanti l’accès à une eau potable ainsi qu’à de la nourriture pour les communautés autochtones affectées tout en signalant que des dirigeants locaux se plaignaient de l’attention insuffisante portée à la population.

Otoniel Danducho Akintui, le maire d’Imaza-Chiriaco, une des communautés affectées, s’est quant à lui rendu à Lima pour alerter de la situation et demander des mesures adéquates notamment en termes sanitaires. Il a dénoncé le comportement de l’entreprise Petroperú qui a tenté au début de l’affaire de minimiser le problème.

Le maire a également pointé du doigt les pratiques de la firme dont le personnel a offert de l’argent à ceux qui acceptaient de récolter le pétrole brut mettant ainsi des familles vulnérables sur le plan économique en contact direct avec la substance dangereuse pour la santé. Des enfants ont également été contactés pour ce travail. Rappelons que l’inhalation des gaz dégagés par le pétrole, notamment le benzène, est cancérigène et qu’une exposition prolongée au pétrole sans protection conduit au développement de graves problèmes cutanés et ophtalmiques, des maux de tête sévères ainsi que des bronchites et autres disfonctionnements respiratoires.

Les conclusions sur les causes de la catastrophe tendent de plus en plus vers l’absence de maintenance du matériel, comme l’atteste le rapport publié par l’OEFA, l’Organisme d’Evaluation et de Contrôle environnementale. L’entreprise Petroperú n’aurait pas réalisé la maintenance préventive des tronçons I et II et la branche nord de l’Oléoduc Norperuano contrairement à ce qui est établi dans son Programme d’Adéquation et de Gestion Environnementale (PAMA), lequel n’aurait pas été réactualisé depuis 1995. L’Institut de Défense Légale (IDL) affirme qu’il est « pathétique (…) que la dernière inspection interne pour surveiller la corrosion ait été faite en 1999, c’est-à-dire il y a 17 ans, et que le dernière audit externe date de 2006 » (cité par le site Servindi).

Source : www.actualidadambiental.pe

Des enquêtes sont actuellement en cours pour déterminer si la santé des populations est impactée par ces pollutions, auquel cas Petroperú pourrait être condamné à payer 59 millions de soles d’amende. Le 18 février dernier, OSINERGMIN, l’Organisme Superviseur de l’Investissement dans l’Energie et les Mines, a de son côté condamné PetroPerú à une amende de plus de 12 millions de soles au motif de n’avoir pas respecté le programme d’adéquation du transport d’hydrocarbures. Le vide juridique autour du droit de la nature montre ici son impact négatif sur la responsabilisation des entreprises, qui ne sont potentiellement inquiétées à payer uniquement si la santé des populations est affectée ou s’ils enfreignent des codes internes au monde des entreprises d’hydrocarbures, même si dans tous les cas, les dommages faits à l’environnement et à la biodiversité sont indéniables.

L’OEFA a ajouté par ailleurs que, tenant compte des ruptures qui se sont déjà produites ces dernières années, une mesure préventive qui ordonnerait à Petroperú d’actualiser son PAMA, et d’assurer la maintenance effective, immédiate et intégrale de l’oléoduc Norperuano serait prise, autant de décisions qui étonnent par leur caractère tardif. Appliquer des mesures préventives et actualiser l’instrument de gestion environnementale de l’Oléoduc Norperuano a été en effet une demande constante des organisations indigènes et de la société civile depuis de nombreuses années face aux déversements incessants de pétrole en Amazonie péruvienne.

Du fait de son arrière-goût de déjà-vu, la catastrophe est particulièrement amère. Petroperú avait déjà reçu des injonctions de faire des travaux de maintenance sur l’oléoduc de la part de ce même organisme de contrôle. En août 2014, l’OEFA avait en effet initié une procédure administrative sanctionnant l’entreprise après les fuites survenues un mois plus tôt dans la même province de Loreto. Le manque de maintenance de l’oléoduc et les défaillances dans le système de surveillance des fuites étaient déjà évoqués comme les causes du problème. Ces nouveaux déversements incontrôlés massifs ne viennent ainsi que s’ajouter aux précédents et confirmer le manque de le contrôle inefficient des multinationales extractives. L’ONG Mundo Azul a publié en 2010 une liste des fuites de pétrole au Pérou sur les 15 dernières années.

Les populations autochtones se mobilisent depuis longtemps sur ces questions. Déjà début 2011, la communauté native de Copal, vivant sur les berges du fleuve Corrientes (Loreto), avait demandé à l’entreprise Pluspetrol une indemnisation de cinq millions de soles pour les ravages causés sur l’environnement après cinq déversements massifs de pétrole. Et le cas n’était pas isolé.

Cette dernière catastrophe était donc prévisible au vu du passif pétrolier dans la région et les réponses qui sont pour le moment données ne font que rappeler les précédents rappels à l’ordre, qui semblent avoir été inefficaces. Face à cet attentisme conjugué à un manque flagrant de volonté politique dans le domaine de la régulation et du contrôle des activités extractives, les populations affectées et les militants se sont une nouvelle fois mobilisés, organisés autour de l’AIDESEP, l’Association interethnique de Développement de l’Amazonie péruvienne, qui fédère plus de 1300 communautés autochtones, pour un sitting devant les bureaux de PetroPerú à San Isidro le 19 février dernier. Les manifestants réclamaient la réparation immédiate des dommages causés par les fuites et ont exigé l’interruption des activités de l’Oléoduc Norperuano jusqu’à ce que le système de tuyauterie soit modernisé. Le président de l’AIDESEP, Henderson Rengifo a ainsi résumé la situation : « Plus de 11 fuites depuis 2010, sans compter le déversement le plus important en Amazonie de 2006, où plus de 50 000 gallons de pétrole avaient teint en noir le fleuve Marañón à Amazonas. Cela doit cesser. »

Source : SPDA www.actualidadambiental.pe

Bien décidés à être enfin écoutées, des organisations indigènes menées par Edwin Montenegro, président de l’Organisation Régionale des Peuples Indigènes de l’Amazonie du Nord (ORPIAN) et Alfonso López, président de l’Association Cocama de Développement et de Conservation San Pablo de Tipishca (ACODECOSPAT) qui représente les communautés natives kukama du fleuve Marañon à Loreto ont également demandé via une pétition au Ministère de l’Energie et des Mines de réaliser une consultation préalable des peuples autochtones sur le processus d’actualisation de l’instrument de gestion environnementale de l’Oléoduc Norperuano, le fameux PAMA. Ils ont souligné le fait que les textes et normes administratives concernant les fuites de pétrole et l’oléoduc « ne peuvent pas être approuvées dans le dos des communautés affectées, comme cela a été fait jusqu’à présent, et d’autant plus si ces fuites affectent et mettent en danger la survie des peuples indigènes ».

Pour en savoir plus, écoutez le témoignage d’un leader amérindien vivant aux abords de la zone de l’accident pétrolier.