La Fondation appelle à changer notre rapport au vivant pour réinventer la place de l’humain au sein du reste du vivant et sortir du dualisme dépassé entre Nature et Culture qui a invisibilisé les interdépendances qui lient l’ensemble des êtres du vivant. Pour redonner vie aux écosystèmes, à la (bio)diversité et reconnaître les droits de la nature, nous devons renouer des alliances avec les autres qu’humains pour réapprendre à coexister dans des relations harmonieuses et émancipatrices et prendre soin de notre maison commune.
Nous défendons une écologie relationnelle comme formes de co-habitation de la Terre
Pour la Fondation c’est un rapport spécifique au monde, et se voulant être LE seul, qui est à mettre à cause dans le ravage planétaire : plutôt que l’humain, c’est le néolibéralisme productiviste et sa conception du vivant qu’il faut incriminer. Pour ce système la nature est définie comme tout ce qui est extérieur aux humains. C’est ainsi qu’en nous sortant du vivant, on devient maître et possesseur de la nature qu’on peut aménager, exploiter, s’approprier par morceaux, faire travailler… Pour nous, l’écologie n’est pas la protection de la nature puisque les idées de protection, sauvegarde ou préservation nient l’agentivité du vivant et l’infériorisent. Nous appelons à éclater les dualismes hérités de l’ontologie naturaliste qui séparent, hiérarchisent et objectivisent tout et à rompre avec le capitalisme qui ne fonctionne que par la transformation de tout en ressources à exploiter, y compris le vivant ! Une véritable révolution de notre manière de penser, percevoir et interagir avec le vivant est nécessaire.
La Fondation l’a toujours affirmé haut et fort, nous, humains, faisons partie du vivant et à ce titre, nos actions écologiques sont parfaitement résumées dans ce désormais célèbre slogan de mobilisations « Nous sommes le vivant qui se défend ». Nous, le vivant, sommes dans une même communauté de destin. La relation doit être au cœur de nos éthiques et actions comme reflet des interdépendances et des façons diverses de se relier ENTRE humains et AVEC les non-humains. La question écologique se pose alors non plus comme un enjeu séparé des autres sphères puisqu’elle exige de penser la composition du monde, au sens de penser les manières de se relier et de co-habiter ensemble ce foyer commun qu’est la Terre.
Il est nécessaire de réapprendre à vivre dans une grande communauté du vivant et de composer de nouvelles relations qui prennent en compte les formes de vie autres qu’humaines. Cela pose aussi la nécessité absolue de repenser les usages des terres et des eaux pour prioriser ceux pour la vie et lutter contre ceux qui détruisent le vivant ou perturbent les équilibres. Composer ce monde implique une nouvelle éthique où l’hubris et la domination laissent la place à la modération et aux ‘égards ajustés’* avec les autres qu’humains. C’est à partir de territoires précis que s’inventent des alternatives et que des métamorphoses prennent corps car ils permettent, à une échelle plus ou moins grande, de penser de manière systémique. Les manières de co-habiter dans nos milieux de vie est donc un acte politique. L’écologie pour nous c’est donc aussi les formes de soin à apporter à ce foyer commun pour le maintien des équilibres fragiles desquels nos vies, et celles d’autres, dépendent. Constituer ce monde passe par une « cosmopolitique de la relation » : faire monde ne se décrète pas, c’est « le fruit d’un agir ensemble »* où cette co-activité nous tient ensemble.
Nous défendons une écologie sociale et émancipatrice
L’écologie ne suppose pas une nouvelle théorie à appliquer clé en main mais se veut par principe diverse, reflet de différentes manières de faire monde. Elle s’ancre sur des territoires et s’incarne dans des corps. Plusieurs voies sont possibles dans ce vivre-ensemble. Toutefois cette multiplicité des mondes « se combine avec la nécessité de prendre soin du monde commun qui les rend possibles et leur permet de s’épanouir »*. La Fondation reprend ainsi le concept proposé par Jérôme Baschet ‘d’universalisme des multiplicités’ pour redire que ce « monde qui puisse abriter de nombreux mondes » n’implique pas la validation des mondes de la destruction.
Nous reconnaissons que, dans la lignée de « l’écologie sociale » de Murray Bookchin, la violence faite à la Terre et au vivant est la prolongation des violences sociales, patriarcales, racistes, coloniales subies par tous les corps subalternes depuis des siècles. L’écologie que nous promouvons est donc nécessairement non patriarcale et décoloniale. Elle impose donc de penser l’émancipation dans un double volet : entre les humains et avec les autres vivants.
Dans tous les dossiers pris à bras le corps par la Fondation, c’est le lien intrinsèque entre les enjeux de dignité humaine et les équilibres écologiques qui était central. Il nous faut continuer de partir des droits humains pour en découler les communs nécessaires à leur réalisation.
Dans cette écologie émancipatrice que nous prônons, l’idée d’auto-détermination et d’autonomie est majeure. C’est la possibilité de s’auto-gouverner collectivement, à travers des choix consentis et pensés ensemble permettant l’épanouissement de la communauté humaine et du vivant. Cette « autonomie interdépendante » affirme une conception de la liberté fondée sur la relation, et non pas sur l’hybris de la toute-puissance. Elle invite à cartographier nos interdépendances pour mieux distinguer celles à défendre car elles constituent nos vies et celles à éliminer parce qu’elles nous enchaînent au processus de ravage*.
*Notion pensée par le philosophe Baptiste Morizot
*Malcom Ferdinand, Une écologie décoloniale, p. 387
*La Commune revient. Entretien croisé avec Jérôme Baschet et Laurent Jeanpierre, réalisé par Josep Rafanell i Orra et Johan Badour.
*Collectif Ecolo Paris, Ecologie sans transition, p. 133-134