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Une multinationale de l’eau condamnée pour réduction de débit

14.01.2016


Le 6 janvier 2016, le tribunal d’instance de Limoges a ordonné la réouverture du branchement en eau à un débit normal chez Madame R., sous astreinte de 100 euros par jour de retard. La SAUR est également condamnée à 3600 euros d’amendes, dont 2000€ au titre du préjudice moral.

S’appuyant sur la décision du Conseil Constitutionnel, la juge affirme que l’exigence d’un logement décent « n’apparait pas compatible avec la diminution du débit d’eau pratiquée via le lentillage ». C’est pourquoi elle déclare que « la faiblesse du débit du courant d’eau […] constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient d’arrêter en ordonnant à la SAUR […] de rétablir le débit normal de d’eau au sein du domicile concerné ».

Cette décision marque une nouvelle victoire de la Fondation France Libertés et de la Coordination Eau Ile-de-France dans le combat pour le droit à l’eau pour tous en France. Après une longue bataille qui nous a mené devant le Conseil constitutionnel pour faire reconnaitre l’illégalité des coupures d’eau (décision du 29 mai 2015 disponible ici), c’est maintenant l’illégalité des réductions de débit qui est affirmée par la justice.

Les cas portés en justice par France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France (Soissons, Bourges, Valenciennes, Amiens, Thionville, Lyon, Gonesse) et les 250 témoignages de victimes de coupures et de réduction de débit depuis la décision du Conseil constitutionnel montrent que ces pratiques perdurent. Nous alertons les pouvoirs publics sur l’urgence à faire respecter la loi.

La condamnation de ces pratiques doit être exemplaire afin de nous aider à faire connaitre cette situation intolérable et engager toutes les victimes à porter plainte. Réduire le débit de l’eau pour cause d’impayé constitue une solution de repli pour les multinationales et les élus locaux qui rejettent toute approche sociale dans la mise en œuvre du service public de l’eau. Les distributeurs d’eau continuent à  brutaliser les plus démunis dans une optique exclusivement commerciale.

Cette décision met aussi en lumière la précarité de nos concitoyens pour leur accès à l’eau et renforce l’urgence de la proposition de loi n° 2715. Une fois votée, cette proposition permettra notamment de venir en aide à ces familles qui n’arrivent plus à avoir accès à l’eau.

Télécharger l’ordonnance de jugement

(Re)écoutez l’interview d’Emmanuel Poilane sur France Info

Dans le 19/20 de France 3 Limousin

 

Qu’est-ce qu’une réduction de débit ?
Une réduction de débit d’un logement est effectuée en installant dans  la conduite d’alimentation en eau d’un usager une petite pièce  en plastique appelée « lentille » et  percée d’un petit  trou  afin de réduire considérablement  le passage de l’eau. Comme indiqué par le député Martial Saddier  (LR), le débit résiduel dans le logement  peut  n’être que de 5 litres par heure. Si le petit trou de  1/8e de mm  perforé dans  la lentille se bouche, le ménage  est totalement privé d’eau. Les réducteurs de débit  non seulement réduisent le débit d’eau mais en plus font obstacle au fonctionnement normal des douches, ont pour effet d’empêcher l’usage des toilettes et d’interdire la production d’eau chaude dans le logement. Un logement muni d’un réducteur de débit n’est plus juridiquement un « logement décent » au sens de la loi et ne peut plus être loué.

Que prévoit la proposition de loi n°2715 ?
Issue du travail collectif de plusieurs structures (France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand, Coalition Eau, Coordination Eau Ile de France, Secours Populaire, Secours Catholique, Grand Orient de France, France Nature Environnement), la proposition de loi visant à « la mise en œuvre effective du droit humain à l’eau potable et l’assainissement » répond à plusieurs exigences :

  • Sociale : répondre au besoin des 2 millions de personnes qui ne disposent pas d’un accès satisfaisant à l’eau et à l’assainissement en France ;
  • Politique : transformer les engagements internationaux sur le plan national ;
  • Philosophique : rappeler que l’eau doit être considérée comme un bien commun ;

La proposition de loi comprend trois axes principaux :
La reconnaissance du droit d’accès à l’eau comme un droit de l’Homme qui stipule que toute personne a le droit de disposer en permanence d’eau potable accessible, en quantité suffisante pour répondre à ses besoins élémentaires ainsi que le droit de disposer d’équipements assurant son hygiène, son intimité et sa dignité et d’utiliser les services et réseaux d’assainissement dans des conditions compatibles avec ses ressources.
La mise en œuvre par les collectivités territoriales d’équipements sanitaires pour les personnes les plus vulnérables non raccordées au réseau. Autrement dit, l’installation obligatoire et l’entretien de points d’eau, de toilettes et de douches publiques et gratuites pour les communes respectivement de plus de 3500 et 15 000 habitants.
La création d’un fond de solidarité national et le financement d’une aide préventive pour l’eau pour les personnes en situation de précarité. Cette aide préventive garantissant l’accès pour tous à une eau potable de qualité, et en quantité suffisante pour les usages domestiques vitaux (alimentation, santé et hygiène) se financerait par une contribution solidaire de 1 centime d’euro sur les bouteilles d’eau vendues en France.

La proposition de loi est téléchargeable sur le site de l’Assemblée nationale