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Une brève histoire d’eau

29.05.2009

La vie sur terre se partage entre les êtres aquatiques et les êtres terrestres. L’humanité appartient à la deuxième catégorie. L’homme vit sur terre mais il a autant besoin d’eau pour vivre que les poissons. En effet, l’eau est le dénominateur commun à toutes les formes de vie, sur terre et, probablement dans l’univers. La vie est fille de l’eau…la vie des bactéries, des plantes des animaux et des hommes. Dés l’origine, elle a été et reste le lieu de rencontre unique des éléments constitutifs de la vie, les acides aminés, les ADN, les minéraux… Sans eau, l’improbable rencontre des ces divers éléments n’aurait jamais eu lieu.

L’eau n’est pas un aliment, c’est un transporteur d’aliment ce qui n’est pas la même chose. Les aliments sont l’énergie de la vie. Ils peuvent être mesurés, définis en termes énergétiques avec une unité particulière, la calorie. Ce n’est pas le cas de l’eau qui ne peut être mesurée qu’en poids et en volume.

Contrairement aux aliments, l’eau ne fait que passer. Chaque jour nous devons boire pour remplacer celle qui s’est dissipée en 24 heures. Elle quitte notre corps après un cycle de deux mois environ. Entre temps, elle aura contribué au transport des aliments énergétiques, à leur transformation, à la structure de nos cellules, de nos organes et de notre corps tout entier, elle aura permis notre régulation thermique, et l’évacuation de nos déchets… Bien qu’elle participe à une multitude de combinaisons chimiques, l’eau n’est pas détruite, ou si peu ; éternellement, elle se recycle, toujours prête à entrer dans une nouvelle noria : macro noria de la mer, de l’évaporation et des nuages ; micro noria des échanges cellulaires et noria interhumaine, celle de l’eau « usée » que la nature, souvent, et l’homme parfois, régénère pour une nouvelle consommation.

Les cycles de l’eau sont tellement nombreux qu’il n’est pas exagéré de dire que l’eau est une entité globale, partout présente là ou se trouve la vie… Claude Bernard, le célèbre physiologiste a décrit le « milieu intérieur » pour parler de ce lieu d’échange permanent qui se trouve dans notre corps et qui comprend le sang, bien sûr, mais aussi tous les liquides interstitiels. C’est dans ce milieu que circulent les molécules essentielles à la vie, les messages physiologiques, les cellules qui nourrissent et défendent le corps… Mais l’eau c’est aussi notre milieu extérieur. Oh, bien sûr, pas autant que pour les poissons mais de façon comparable. Car l’eau nécessaire à notre milieu intérieur provient de l’extérieur et même l’air que nous respirons doit comporter un certain taux d’humidité…Quant à nos vêtements qui nous protègent du froid ou du chaud, ne sont-ils pas aussi des produits de l’eau ? Aussi bien le coton que le nylon (et oui…le pétrole n’a-t-il pas son origine dans la vie végétale ?). Alors quelle est la différence ? En dehors du fait que les poissons doivent nécessairement savoir nager, il n’y en a pas, surtout si nous nous rappelons que pendant les 9 premiers mois de notre vie nous étions …dans l’eau.

L’entité « eau » est globale. C’est notre milieu extérieur collectif qui communique en permanence avec notre milieu intérieur individuel. L’eau est notre plus constant dénominateur commun, elle nous unit tous, et lorsqu’un événement brutal bouscule cet équilibre comme une grande canicule, nos vieux éprouvent tragiquement l’absence de ce lien solidaire.
L’eau n’appartient à personne. Comment peut-on s’approprier quelque chose dont nous dépendons, quelque chose qui est un constituant majoritaire de notre corps, quelque chose dont nous sommes la conséquence ?

Vue sous cet angle, l’eau ne peut pas être une marchandise, pas plus que les rayons du soleil nécessaires à la photosynthèse, ou que la gravitation universelle qui nous permet de garder les pieds sur terre. La meilleure preuve que l’eau n’est pas une marchandise, c’est qu’il n’y a pas de production artificielle de l’eau… Nous savons depuis Lavoisier que fabriquer de l’eau est possible…mais à quel prix ! Pourtant ses composants ne sont pas chers : l’oxygène et de l’hydrogène. Mais il faut aussi beaucoup d’énergie car le mariage entre ces deux molécules n’est pas évident et bien coûteux…en contre partie le résultat est parfaitement stable et l’eau, sous ses trois formes principales, est quasi éternelle.

L’eau est non seulement une condition de la vie biologique mais aussi un puissant organisateur social. En effet, les animaux terrestres s’organisent pour vivre à proximité d’un point d’eau- la source où le lion vient boire- et organisent leur vie en fonction de la distance qui les sépare de leur point d’eau. Ils ne peuvent en effet ni stocker l’eau en dehors de leur corps ni la transporter. Cette distance est la principale mesure de leur autonomie… Il en allait de même pour l’homme primitif qui était condamné à organiser sa vie en fonction de sa capacité à accéder à l’eau. Ceci rend compte du choix des biotopes, explique le nomadisme, la répartition des captages de source et des forages de puits. Il n’y avait rien de plus essentiel que d’assurer aux siens l’accès à l’eau potable…
Le problème s’est complexifié avec l’apparition de l’élevage et de l’agriculture nécessitant des installations hydrauliques durables et pouvant fonctionner en l’absence de l’homme.

Puis vint l’époque des concentrations humaines, des villes, de l’urbanisme et des grands travaux toujours marqués par la nécessité de rendre l’eau potable accessible à tous.

Si les villes sont situées dés leur origine sur les rives d’un cours d’eau, leur croissance imposa vite l’acheminement de l’eau sur de longues distances et la réalisation de réseau de distribution pérennes non seulement pour pouvoir disposer de plus grande quantité mais aussi en raison de la pollution par les effluents. Rome et bien d’autres villes antiques nous montrent à quel point le souci de la juste répartition de l’eau potable était pris en compte.

C’était une obligation politique, sanitaire, mais aussi une obligation morale tant il est vrai que l’eau étant indispensable à la vie, Refuser l’eau c’était donner la mort, donc un acte criminel. Dés l’origine l’eau fut considérée comme un bien particulier dont on ne discutait pas l’intérêt, tant il était évident. Le rationnement de l’eau était d’ailleurs utilisé pour faire souffrir, pour tuer ou pour contraindre des assiégés à la capitulation.

L’extension des villes et le développement de l’urbanisme se sont accompagnés de création de réseaux complexes, notamment pour acheminer l’eau dans les immeubles de grande hauteur. Le financement de ces nouvelles infrastructures, assuré par les banquiers, a ouvert la voie à un secteur d’activités marchand fructueux, (ex de la création de la CGE 1853) : l’eau devint une source d’enrichissement pour les entreprises privées et perdit son statut de bien commun.
Aujourd’hui, nos concitoyens sont tellement conditionnés par leurs habitudes consuméristes qu’ils croient que l’eau appartient à celui qui la vend, puis à celui qui l’achète.

Le temps est venu de rappeler à tous que l’eau n’est pas une marchandise. Cette affirmation n’est pas un slogan alter mondialiste, c’est une évidence qui avait, depuis bien longtemps, cessé de crever les yeux des nantis et que la souffrance d’une part importante de la population mondiale nous oblige à prendre en compte comme une urgence vitale.