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(Re)vivez la soirée de remise du prix Danielle Mitterrand 2023 !

01.12.2023

Nous tenons à remercier chaleureusement tou·te·s celles et ceux qui ont été présent·e·s lors de cette soirée exceptionnelle en solidarité avec les habitant·es du village de Prospérité en Guyane !

A l’occasion de la remise de la 11e édition du prix Danielle Mitterrand, le Yopoto Roland Sjabere et Angèle Thérèse étaient présent·e·s à nos côtés pour partager le projet d’autonomisation mené par le village et la détermination de leur lutte contre le projet d’implantation de la Centrale Electrique de l’Ouest Guyanais, qui bafoue leurs droits et détruit la forêt !

(Re)vivez ces moments à travers de belles images, reflets de prises de paroles inspirantes et pleines d’espoir, de réflexions passionnantes autour de l’importance de penser nos luttes écologistes à l’aune des enjeux décoloniaux, de témoignages de solidarité déterminés et de respirations musicales puissantes et émouvantes ! 

UNE SOIREE DE SOLIDARITE AVEC LES HABITANT·E·S DU VILLAGE KALI’NA DE PROSPERITE EN GUYANE …

18h30. Le silence se fait parmi les nombreuses personnes présentes dans la salle des fêtes de l’Académie du Climat. Après les mots de bienvenue d’Agnès Golfier, co-directrice de la Fondation, Clarisse Taulewali da Silva, artiste kali’na et présidente de la Jeunesse Autochtone de Guyane (JAG) a partagé quelques éléments de compréhension de la Guyane et de son histoire. 

Une histoire marquée par l’accaparement des terres amérindiennes par les colons européens, par les déportations et les plantations esclavagistes, l’assimilation culturelle et la non-reconnaissance des droits des peuples autochtones et de leur identité. Celle de l’extractivisme aussi et de l’injonction au développement.

« La Guyane signifie « terre d’eau abondante » dans la langue de nos ancêtres. Cette Guyane qui représente à elle seule 50% de la biodiversité. Cette Guyane que nous peuples autochtones, nous peuple guyanais, tentons de protéger coûte que coûte. Depuis la colonisation dans les années 1600, nous avons toujours lutté pour préserver nos cultures et nos terres. […] La résistance autochtone […] s’inscrit dans une sphère politique quitte à s’approprier le système du dominant pour ne plus être dominé. Mais lorsque rien ne suffit en plus de la puissance de nos paroles, nous devons user de nos corps pour faire valoir nos droits. Et ça, vous le comprendrez ce soir»

Ce fut alors au tour du yopoto Roland Sjabere, chef coutumier, et d’Angèle Thérèse, habitante de Prospérité, de prendre la parole afin de partager la force du projet d’autonomisation entrepris pour se réapproprier leurs moyens de subsistance et reprendre de l’indépendance vis-à-vis du système capitaliste qui, en Guyane, continue d’avoir une emprise sur les territoires. Comme le souligne Angèle Thérèse « le projet d’autonomisation c’était pour que les jeunes générations puissent garder l’autonomie. Parce que nos ancêtres vivaient déjà avec cela » et pour Roland Sjabere d’ajouter : « c’est un village majoritairement jeune. Qu’est-ce qu’on leur propose ? Comment leur donner envie de ne pas quitter leur village ? Ce projet d’autonomisation a été réfléchi et fait par nous-même. On ne veut pas que l’on nous impose des choses ! »

Or, leurs témoignages ont également mis en lumière l’ampleur dévastatrice du projet de Centrale Electrique de l’Ouest Guyanais qui s’est imposé au cœur de l’espace de vie du village. Des images poignantes d’arbres abattus, de jeunes arrêtés, de manifestations réprimées, de voix qui s’élèvent contre la destruction, nous ont fait ressentir la violence institutionnelle qui s’abat et le courage des habitant·e·s qui luttent pour défendre leur forêt.

… UNE TABLE-RONDE PLACEE SOUS LE SIGNE DE L’ECOLOGIE DECOLONIALE …

Menée par Anaïs Cognet et Marion Veber, la soirée s’est ensuite poursuivie par des échanges passionnants autour des enjeux que pose la transition énergétique à l’aune d’une approche écologiste décoloniale. Partant de la réalité vécue au village Prospérité, Malcom Ferdinand et Clarisse Taulewali da Silva, nous ont ainsi partagé leurs réflexions sur les raisons qui expliquent l’implantation d’un tel projet sur les terres du village kali’na. Intérêts économiques à long terme, possibilité future d’alimenter de nouveaux projets extractivismes, poursuite de rapports coloniaux en Guyane, autant de logiques à l’œuvre dans ce territoire.

Au fil des échanges, les intervenant·es ont tiré les fils qui relient de nombreux territoires à cette expérience de la « colonialité de la modernité ». Expérimentations nucléaires en Polynésie, utilisation de chlordécone à la Martinique, à la Guadeloupe et de glyphosate à la Réunion, manque d’eau à Mayotte, et, dans une tout autre mesure, la volonté de désenclaver les territoires du Tarn jugés sous-développés grâce au projet autoroutier nuisible de l’A69, autant de réalités différentes qui sont pourtant communes !

Prendre conscience de ces mécanismes est essentiel à l’heure où l’importance de la transition énergétique mène déjà à la multiplication de projets qui reproduisent ces mêmes logiques néolibérales et coloniales.

Pour finir ces échanges enrichissants, Geneviève Azam s’est penchée sur la manière dont la réappropriation de nos moyens de subsistance, comme le mène les habitant·es du village, constitue une proposition politique puissante pour s’émanciper des logiques de domination, recouvrir nos autonomies et être source d’apprentissages mutuels ! S’adressant aux lauréat·es : « vous nous aidez à repenser, parce que nous sommes dans une situation catastrophique parce que dans nos sociétés, nous faisons à nouveau l’expérience de la matérialité de la vie. C’est-à-dire tout ce dont nous pensions être délivré, comme la subsistance, c’est en train de nouveau d’émerger. […] La subsistance ce n’est pas simplement se nourrir, la subsistance, c’est retrouver la dignité et cette dignité elle se retrouve dans les luttes ».

Ce projet met aussi en lumière une sorte de colonialité des énergies vertes. Il ne faut pas oublier que la transition énergétique peut être tout aussi coloniale que les énergies fossiles… D’où viennent les métaux qui vont permettre de fabriquer ces projets ? Cela se passe aussi au Congo avec les batteries électriques, au Nord de la Norvège avec le peuple Sami qui lutte des éoliennes. Cela veut dire que connaissant cette inégalité de traitement, il faut que l’on puisse agir ici tout en pensant ce qui se passe là-bas.

Malcom Ferdinand

…. ET UN MOMENT EMOUVANT DE REMISE DU PRIX

Au son des accords de guitare, emporté·es par le rythme de la langue kali’na, le Yopoto Roland Sjabere nous a offert une respiration musicale pleine d’émotions en interprétant une chanson qui conte ses liens tissés avec la forêt. 

Ce fut ensuite le moment de remettre le prix Danielle Mitterrand 2023. Dans son discours, Gilbert Mitterrand, réaffirme sa solidarité avec les habitant·es de Prospérité en lutte pour donner vie à cette « alternative qui préserve les droits et coutumes autochtones, une alternative respectueuse de votre culture, de vos savoirs, de votre histoire, de votre terre, de la forêt amazonienne, et pour toutes ces raisons, respectueuse de notre monde commun ».

Après ce moment symbolique, la soirée s’est conclue par une prise de parole collective. Représentant·es du peuple Yukpa de Colombie, Kichwa, Waorani, Sapara et Wankavilca d’Equateur, membres du CSIA, de Wild Legal, du collectif des Savoirs de la Forêt, de Youth for Climate, des Soulèvements de la Terre, tou·te·s ont lancé un appel à des tisser des alliances solidaires et concrètes entre les luttes écologistes décoloniales et témoigner de leur soutien aux habitant·es de Prospérité.

Echanges, rires et rencontres se sont ensuite poursuivies lors du cocktail préparé par les Cuistots Migrateurs. Lors de ce moment convivial, les personnes présentes ont également pu découvrir l’exposition « Ils arrivent à la lisière de la forêt » réalisée avec les magnifiques photographies de Yann Lenzen.

Témoignages de soutien d’allié·es !
Extrait de l’exposition photographique : « Ils arrivent à la lisère de la forêt » de Yann Lenzen