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Stévia, une douceur au goût amer

La stévia est devenue un produit phare du 21e siècle en raison de ses propriétés sucrantes mais acaloriques. Les vertus de cette plante miracle sont pourtant connues et utilisées depuis des siècles par les Guaranis de la forêt amazonienne. Un rapport de l’ONG Public Eye revient sur le pillage de la stévia par les barons de l’industrie agroalimentaire.

La stévia est présentée comme la dernière grande nouveauté en matière d’édulcorants. De plus en plus de produits « naturels » contenant de la stévia arrivent sur le marché. Pourtant, contrairement aux dispositions prévues par la Convention sur la biodiversité, les peuples Guarani du Paraguay et du Brésil, qui ont découvert les vertus édulcorantes de cette plante, ne bénéficient pas des retombées économiques de leur savoir ancestral. Ce rapport met en lumière la face cachée du marché de la stévia.

Télécharger le rapport :

A qui profite la stévia ?

Coca-Cola a lancé la version « Life » de sa boisson phare, édulcorée aux glycosides de stéviol. Contrairement à ce que les commerciaux allemands laissent entendre, ce n’est pas la plante elle-même qui est utilisée, mais bien le glycoside de stéviol, une molécule extraite industriellement par une série de procédés chimiques complexes.

La marque états-unienne n’est de loin pas la seule à utiliser son pouvoir édulcorant jusqu’à 300 fois supérieur à celui du sucre. Le glycoside de stéviol, qui présente aussi l’avantage de ne causer ni diabète ni caries, intéresse de plus en plus l’industrie agroalimentaire, notamment en raison de son coût de production attractif. Boissons, chocolats, bonbons, de nouveaux produits dérivés du glycoside de stéviol ne cessent d’apparaître sur le marché.

Des multinationales s’enrichissent aux dépens des Guaranis

La commercialisation du glycoside de stéviol est un cas classique de biopiraterie : une appropriation illégitime de ressources génétiques et du savoir traditionnel dont elles découlent. La Convention de l’ONU sur la diversité biologique, en vigueur depuis 1993, devrait précisément permettre d’empêcher ce genre d’abus, puisqu’elle prévoit que les populations autochtones doivent donner leur consentement à l’utilisation commerciale de « leurs » ressources (« consentement préalable en connaissance de cause »). Elles doivent aussi bénéficier du partage équitable des avantages découlant de l’exploitation de ces ressources (« accès et partage des avantages »). Concrètement, cela signifie que, si quelqu’un souhaite exploiter à des fins commerciales la stévia, alors les Guaranis et les États du Brésil et du Paraguay devraient avoir le choix d’y consentir ou non et, le cas échéant, ils devraient recevoir une partie des bénéfices engendrés.

Mais la réalité est tout autre. Et ce notamment car la Convention sur la diversité biologique et l’accord régissant sa mise en œuvre, le Protocole de Nagoya, ne sont pas suffisamment appliqués par certains pays et que d’autres – dont les États-Unis – ne les ont pas encore ratifiés. Ainsi, l’industrie agroalimentaire continue de s’enrichir impunément grâce à des ressources « dérobées ». Actuellement, les petites exploitations qui cultivent de la stévia doivent se contenter d’un rôle de fournisseurs, pendant que quelques multinationales luttent à grand renfort de brevets pour obtenir leur part de ce juteux marché. A la fin de 2014, plus de 1000 demandes de brevets avaient déjà été déposées en lien avec la stévia, dont 450 portant spécifiquement sur les glycosides de stéviol. Parmi ces derniers, 46% ont été déposés par huit entreprises seulement. Au premier rang figurent les multinationales Cargill et Coca-Cola.

Notre revendication : une solution équitable contre la biopiraterie

Les entreprises qui produisent ou utilisent les glycosides de stéviol doivent mettre un terme à leurs agissements qui privent les Guaranis des indemnisations auxquelles ils auraient droit pour l’utilisation de leur savoir ancestral.

Les multinationales comme Cargill ou Coca-Cola, qui produisent ou utilisent des glycosides de stéviol, doivent immédiatement entamer des négociations avec les Guaranis pour déterminer comment partager les avantages et les bénéfices qu’ils retirent de l’utilisation de la stévia.