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Droit à l’eau et industries extractives : la responsabilité des multinationales

Le présent rapport est l’aboutissement d’un travail d’enquête et de reportage sur les industries extractives et l’eau, réalisé par Basta ! et l’Observatoire des multinationales, grâce au soutien de France Libertés. Ce travail visait en particulier à interroger la responsabilité des principaux acteurs du développement actuel de l’extractivisme : les multinationales.

Pourquoi l’eau ?

L’eau est une ressource indispensable pour toutes les industries extractives (mines et carrières, extraction de pétrole et de gaz), qui en font une consommation importante  et parfois astronomique. La question de l’eau a donc très souvent joué un rôle central dans les conflits suscités par le boom des projets miniers, pétroliers ou gaziers dans le  monde au cours des années récentes.

La raison en est simple : l’eau est une ressource vitale, à la fois pour la boisson et parce que c’est elle qui permet aux communautés concernées de se nourrir, via l’agriculture  ou la pêche. Une atteinte à l’eau est donc souvent perçue comme une question de vie et de mort, notamment dans les régions où cette ressource est rare et occupe une place  particulière dans la culture et l’organisation sociale. En outre, c’est souvent à travers l’eau que se font sentir les impacts en cascade des activités extractives.

Gaz de schiste, barrage miniers, pollutions… des impacts multiples

Les impacts des industries extractives sur les ressources en  eau sont multiples et souvent sérieux : surexploitation des rivières ou des nappes phréatiques, destruction de glaciers, forêts ou zones humides, pollutions multiformes – mais aussi problèmes liés aux transferts d’eau à grande échelle, aux barrages hydroélectriques construits pour alimenter les mines, à la pollution des terres et de l’air, ou encore aux effets en  retour de ces activités sur les conditions climatiques locales.

Les hydrocarbures non conventionnels, comme le gaz de  schiste, se caractérisent par des impacts et des risques considérablement accrus pour les ressources en eau par rapport aux forages conventionnels. Les barrages miniers (retenant les eaux usées toxiques issues des mines ou des exploitations d’hydrocarbures) constituent aussi un risque pour les ressources en eau, comme l’illustrent les accidents majeurs survenus récemment, du Canada au Brésil.

Vraies et fausses solutions

Face à ces impacts, le type de réponses développées par les entreprises – notamment les démarches relevant de la « responsabilité sociale des entreprises » et les solutions  technologiques comme le dessalement et le traitement des eaux usées – n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, notamment sur le long terme. L’expérience montre que même là où des régulations existent sur le papier pour préserver les ressources en eau et limiter les impacts négatifs des activités extractives, ces règles sont rarement respectées dans les faits, en raison d’un rapport de forces très favorable aux multinationales face aux autorités publiques et aux riverains. De même, le suivi scientifique des impacts et l’accès aux informations pertinentes sont généralement très insuffisants.

Le droit à l’eau, un droit politique

Malgré son caractère récent et la faiblesse actuelle des mécanismes de mise en œuvre, la notion de « droit humain à l’eau », consacrée par les Nations unies en 2010, peut jouer un rôle pour permettre aux communautés ou aux collectivités locales de limiter les impacts d’un projet extractif, voire empêcher qu’il voit le jour. L’enjeu du droit à l’eau semble d’ailleurs déjà sous-jacent à de nombreuses batailles juridiques opposant communautés et multinationales pétrolières ou minières dans le monde.

Pour être pertinente, cette notion de droit à l’eau doit cependant être conçue en un sens non restrictif. La simple livraison d’eau potable aux riverains des sites extractifs relève davantage d’une logique de charité que de la reconnaissance d’un droit humain, et ne répond pas aux situations endurées par les communautés dans toutes leurs dimensions.

Fondamentalement, le droit à l’eau doit être conçu comme un droit politique, c’est-à-dire qu’il devrait impliquer le respect de l’autonomie des populations concernées, ainsi que leur droit à décider de leur propre avenir et de celui de leur territoire.