Loi de séparation des banques: touchons-nous les limites de la démocratie?
11.02.2013
Une tribune d’Emmanuel Poilâne, directeur de France Libertés, publiée ce matin sur le Huffington Post
Alors que la population s’enflamme pour le mariage pour tous, combat hautement honorable que je soutiens d’ailleurs, le collectif Roosevelt 2012 dont je fais partie lutte actuellement contre le projet de loi de séparation de banques porté à l’Assemblée Nationale. Il est d’une importance primordiale pour chaque citoyen, chacun d’entre nous et pourtant son traitement en est bâclé !
Peut être avez-vous entendu parler de ce projet de loi de séparation des banques qui ne satisfait que les banquiers en laissant insensible le citoyen moyen : trop compliqué, je n’y comprends rien !
Mais que vaut cette proposition de loi ?
Au premier abord, je m’inquiète déjà de savoir que les Anglais ont enclenché un travail sur un an alors que pour nous ce dossier est traité en deux semaines. Je m’inquiète qu’en Europe, le projet de loi sur le même sujet compte déjà 117 articles alors que la loi française en compte 8. Je m’inquiète enfin que même les très libéraux américains soient plus dur que nous contre leurs banques.
Cherchez l’erreur !
(source magazine capital de février 2013 à lire absolument !)
Si nous regardons de plus près les constats généraux qui sont faits par les spécialistes de tous bords, ce n’est pas mieux, voir pire :
96% de l’activité bancaire d’investissement est purement spéculative.
99% de cette activité n’est pas touchée par la loi selon Mr Oudea, PDG de la Société Générale, qui a soulevé l’émoi des parlementaires lorsqu’il a annoncé ce chiffre sans sourciller.
Les banques savent nous rappeler que 10% de leurs activités financent les entreprises et 12% financent les prêts aux particuliers. En temps que citoyen, je répond : « seulement 22% » !
Et si nous prenions cette information en sens inverse ? Si l’on exclu les 78% qui sont pure spéculation, ne serait ce pas là la solution à nos problèmes ?
Ce sont ces 22% de l’activité bancaire qui nous intéresse. C’est ce montant qui doit être garanti par l’Etat avec en sus un peu de financement de change pour notre commerce international mais surtout rien d’autre.
C’est le vrai sujet de démocratie : cette loi n’est pas une loi de séparation des banques, c’est une loi de garanti de l’état pour les activités bancaires. En laissant le texte en l’état, nous sommes dans une tromperie qui peut déstabiliser rapidement les fondements même de notre démocratie.
Les députés les plus engagés sont dépassés techniquement par le dossier alors que le rapporteur de la loi semble simplement hors sujet, quand ce n’est pas le Ministre de l’économie et des finances. Quand Monsieur Moscovici explique sur son blog que les hedge funds financent les PME françaises, on se demande qui est son professeur d’économie ?
Les Allemands ne font pas cette erreur et leur réseau de PME, que notre gouvernement leur envie, s’appuie sur un réseau de centaines de banques locales exclusivement dévolues au financement de l’économie réelle.
A l’inverse, ce projet de loi fait dans le tout spéculatif et dit en introduction que les outils de spéculation dérivés (swap notamment) sur les produits agricoles sont néfastes et plus loin dans le texte il explique qu’ils sont utiles, même les députés y perdent leur latin.
Même les députés ne croient plus en la réelle séparation des banques et nous devons les aider à reprendre confiance pour qu’ils ne soient pas une chambre d’enregistrement mais bien la voie du peuple qui ne veut pas que le lobby bancaire gagne à la fin !
De leur coté, les citoyens tentent de faire bouger les lignes comme devant le siège de la BNP, la Brigade Anti terrorisme Financier a fait fermer notre plus grande banque nationale afin de procéder à la séparation de ses activités bancaires.
Il est donc urgent de ne pas voter cette loi qui n’aurait pour réelle action que de faire subventionner et gager les bonus des traders par les contribuables ! La démocratie vaut mieux qu’une loi en 8 articles et deux semaines de débats qui laissent les mains libres aux banquiers.
La démocratie, c’est protéger la population et protéger la population c’est simple : l’état ne doit garantir aux banques que ce qui touche à l’économie réelle et aux dépôts des citoyens. Tout le reste doit être purement et simplement séparé dans des sociétés spéculatives qui joueront au casino si elles le souhaitent sans faire prendre de risque à notre pays, à notre dette, à notre population.
En conclusion de notre réunion à l’Assemblée Nationale, Michel Rocard nous disait : « avant de venir ce soir, j’étais en train de me laisser convaincre que la séparation n’était pas forcément nécessaire. Les échanges et les arguments que nous avons eu m’ont convaincu qu’il est plus qu’indispensable de séparer purement et simplement les banques maintenant ».
Si on nous explique que c’est compliqué et bien travaillons. Prenons 6 mois si il le faut pour avoir un vrai projet de loi qui garantisse pleinement la sauvegarde de notre pays !
Demandons urgemment ce que la loi ne prévoit pas et travaillons pour que nous puissions un jour être fier et non inquiet de nos banques !
Retrouvez la tribune sur le site du Huffington Post