
L’Hydre : un réseau a 1000 têtes pour la défense des eaux
01.08.2025
Depuis les années 2000, la Fondation Danielle Mitterrand s’est engagée dans la lutte pour défendre l’eau contre les multiples dangers qui la menace. Dans la continuité de cet engagement, en 2023 sur le plateau du Larzac, la Fondation a participé a impulser un réseau des luttes pour défendre l’eau. L’Hydre est né et ne fait que grandit !
Des eaux en silos aux eaux en commun
Une source de vie menacée par de multiples dangers
Accaparement de l’eau par les grandes entreprises d’embouteillage, gaspillage pour des loisirs luxueux, utilisation abusive et pollution par les activités extractives, nucléaires et de l’agriculture intensive… l’eau est un sujet vaste, et les combats multiples.
Au cours de l’année 2022, un constat se partage entre associations, collectifs et structures engagées pour la défense de l’eau : celui d’un cloisonnement, tant disciplinaire (sciences de la terre, sciences sociales, approches techniques, juridiques, politiques, etc.) que thématiques (qualité, quantité, énergies, agriculture, privatisation et formes de gouvernance…). Alors que les enjeux se font de plus en plus pressants et que la France, après bien d’autres parties du monde, commence à faire du manque d’eau et de son accaparement une expérience quotidienne et réelle pour certains territoires, l’envie de créer une plateforme d’entraide et de partages d’expériences a ainsi pris forme début 2023. Nous proposons alors, avec le collectif Hydromondes, d’impulser un espace de discussions, rencontres et co-constructions pour les acteur·ices de terrain mobilisé·es autour de la défense des eaux.
L’objectif initial était de nous rendre plus puissant·es dans notre bataille commune, en favorisant les décloisonnements et en faisant le pari de frottements et alliances possiblement très féconds de par la diversité des acteur·ices convié·es à cet espace.
Comment infiltrer les instances de gestion de l’eau ? Quelles sont les connaissances scientifiques sur les impacts des barrages ou des pesticides ? Comment utiliser la loi sur l’eau pour monter un recours juridique ? Comment donner de la force à nos initiatives respectives, éprouver la consistance de cultures de l’eau et faire grandir un front commun pour faire de cet élément vital un commun ?
Cet effort a donné lieu à la naissance d’un réseau qui cherche à accompagner un mouvement contre l’accaparement de l’eau et pour la réappropriation de ses usages, en partant de la base, des territoires et de ses habitant·es.
La naissance du réseau Hydre
Il dessine au fil des rencontres une plateforme pour mettre en commun des savoirs sur l’eau et partager des narrations collectives de bassins versants pour faire des liens entre les luttes existantes et en faire émerger de nouvelles. Certains luttent localement contre des projets d’aménagement accapareurs ou pollueurs d’eau (Bassines Non Merci, collectif la Cluz’ad, L’eau qui mord à Vittel, Volvic nous Pompe 63, Alertes pesticides Gironde, StopMicro…) d’autres donnent forme à des communautés d’enquêteur·ices autour de rivières ou de nappes phréatiques (Hydromondes, SOS Durance Vivante), d’autres mettent en lien des expérimentations qui prolifèrent autour de cours d’eau en ruine, où la catastrophe a déjà eu lieu (Collectif des Gammares à Marseille). D’autres enfin mènent des recherches en sciences sociales ou en sciences de la terre tel que LaROUSTe.
Tou·te·s ont en commun de s’intéresser aux eaux de leurs territoires. Ils enquêtent ici sur les non-humains accueillis dans une zone humide, ou là sur les communautés reliées par une rivière. Ils observent ici les métabolites charriés par un cours d’eau et là les sédiments transportés sur ses rives. Ils découvrent un peu partout les modalités d’une gestion de l’eau réservée aux scientifiques et aux notables blancs et investiguent les chaînes de décision qui rendent malgré tout possible le déploiement de filières mortifères. Ils constatent chaque jour un peu plus les multiples formes d’accaparement de l’eau à l’œuvre, pour des projets étatiques comme pour des projets privés, en zone urbaine comme en zone rurale. Ils décryptent comment les multinationales de l’eau et de l’énergie testent depuis des décennies dans l’Hexagone les infrastructures et les industries avec lesquelles ils exploitent les populations et accaparent l’eau ensuite sur le reste de la planète. Ils se renseignent sur l’histoire des cultures populaires et les formes paysannes de soin et de partage des eaux. Ils créent des liens dans les quartiers populaires des grandes villes ainsi qu’avec des militants autochtones et écologistes d’autres continents.
Comment, alors, penser une coalition des luttes sur l’eau, capable d’intégrer autant de situations et d’enjeux singuliers, pour dévoiler et mettre à mal les mécanismes de captation de la ressource qui se déploient de toute part ? Comment rendre commensurables des eaux plurielles, corsetées de l’amont à l’aval par une même ingénierie technique qui souhaite en faire une énergie potentielle, un bien de marché ou une ressource disponible ? Comment suivre les eaux courantes et souterraines peut nous aider à construire une critique en actes du capitalisme ?





Construire ensemble des outils pour nos mouvements
Le réseau se donne à ce jour plusieurs objectifs, en perpétuelle construction :
- Construire des outils de mutualisation au service du mouvement de l’eau : la construction d’un site ressource Aquathèque est en cours, pour mutualiser argumentaires, analyses, contacts, ressources et agendas
- Une cartographie des luttes pour l’eau est en cours, avec Reporterre
- Une boucle Telegram de veille des actualités hydrologiques est à rejoindre
- Proposer des temps de formation mutuelle et réflexion stratégique
- Participer et animer des évènements pour construire l’architecture d’une organisation plus large : lors des « Résistantes » au Larzac en 2023, avec le Réseau européen pour l’eau, etc.
D’autres idées sont en germe : faire vivre une chaine vidéo Waterview sur l’eau en croisant les perspectives politiques, scientifiques, locales et internationales, former les élus locaux sur les enjeux de l’eau, créer des groupes de journalistes, de scientifiques et de juristes pour analyser les projets destructeurs, dénoncer les réseaux de pouvoir économiques et politiques qui les soutiennent, construire des plaidoyers et porter des revendications fortes.




Mais ce partage de savoirs situés serait vain sans la constitution d’assemblées politiques des eaux. Si les « Commissions Locales de l’Eau » sont parfois présentées comme des parlements de l’eau, alors réclamons que les délibérations qui s’y tiennent soient publiques, demandons à pouvoir décider des membres qui y siègent, renégocions la proportion des corps représentés. Suivre l’eau comme fil directeur des problèmes qui nous concernent pourrait bien faire advenir des formes plus coopératives de démocratie. À côté de cette critique à construire des prétentions à la bonne gouvernance des administrations, d’autres compositions politiques doivent pouvoir être inventées et expérimentées face aux menaces qui planent sur nos eaux. Laissons des communautés habitantes de ruisseaux se constituer, construisons des parlements de rivières, réclamons le droit de décider collectivement de l’horizon des fleuves.
Quelques moments phares passés et à venir !
Depuis ses 3 ans de création, le réseau Hydre a déjà menée de nombreuses actions et tant d’autres sont à venir.
- Une brochure inaugurale « Lutter depuis nos bassins versants. Contre l’accaparement et pour les biens communs de l’eau » réalisée par Romain Casaux.
- Animation de la grande Assemblée Générale du Mouvement de l’eau aux Résistantes au Larzac
- Des articles qui parlent du réseau
« Hydro-furieux » : les défenseurs de l’eau se mettent en réseau | août 2023 sur Reporterre
« S’organiser face à l’accaparement de l’eau » | juin 2025 dans la revue Silence - Participation au cycle de rencontres « Faire commun ici et ailleurs » co-organisé de janvier à septembre 2024 par le GRET et Remix the commons pour aborder les questions des gouvernances « en commun » de l’eau.
> vidéo de restitution « Des mouvements militants au plaidoyer pour l’eau : le réseau Hydre
- Week end de formation mutuelle «Nos relations aux institutions de l’eau» | décembre 2024
Restitution disponible bientôt