Les 170 victimes de Lampedusa susciteront-elles plus que la compassion?
06.10.2013
Les médias européens traitent le drame de Lampedusa comme un fait divers. Ils semblent oublier ou ne pas savoir qu’en ce moment même, l’Assemblée Générale des Nations Unies organise un panel de haut niveau sur la question des migrations.
Soulignant la "responsabilité des Etats" et la "paranoïa entretenue par les hommes politiques", le rapporteur spécial de l'O.N.U. sur la protection des migrants, François Crépeau affirme que "l'immigration clandestine n'est pas un crime, ni une menace pour la sécurité" (François Crépeau à New York avec la société civile internationale le mercredi 2 octobre 2013).
Après tant d'années d'aveuglement meurtrier, l'heure n'est plus aux déclarations ni même à l'indignation, mais aux actes : le dogme de la fermeture des frontières doit non seulement être condamné mais aussi combattu. C'est un verrou qui doit être levé car il empêche toute approche nouvelle sur la question mondiale des migrations.
L'organisation pour la Citoyenneté Universelle, dont la Fondation France Libertés fait partie, demande solennellement aux représentants des Etats réunis à l'O.N.U. d'adopter sans attendre le principe d'une conférence internationale sur les migrations, ouvrant un cycle de négociations pour l'application de l'article 13 de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme relatif à la libre circulation et installation des personnes.
De fait divers en fait divers, l'opinion publique est choquée puis oublie, et rien ne change fondamentalement. Il est pourtant possible de parler des migrations autrement. Nous ne devons jamais oublier que ce processus est normal pour l'Humanité qui migre depuis la nuit des temps.
Les migrations aujourd'hui sont bien moindres qu'au 16ème siècle. Elles sont une opportunité pour l'Humanité et doivent être vues comme tel. L'utilisation par la peur qui est en faite par certains politiques est une honte pour tous les femmes et les hommes de la planète.
Pourtant, tout le monde n'a pas le même regard sur ces questions. Durant notre séjour à New York cette semaine, nous avons pu mesurer le fossé qui sépare les Etats de leurs sociétés civiles.
La conscience d'un nouveau monde en construction nécessite de repenser complètement les politiques migratoires mondiales. Cette ambition est au cœur de la réflexion des sociétés civiles. Elle est en revanche savamment oubliée et ignorée par les Etats qui ne veulent en aucun cas inventer le monde de demain et prendre le risque de perdre leurs avantages en modifiant des équilibres précaires.
La France, pays des droits de l'Homme, a un rôle à jouer pour changer la donne ou au moins pour poser ce débat dans les instances internationales. Imaginer que notre pays puisse être précurseur dans ce domaine, c'est envisager la construction d'une politique nouvelle des migrations internationales qui serait très complémentaire de celle que le changement climatique impose.
Ne laissons pas les morts de Lampedusa sombrer dans l'oubli et changeons urgemment notre regard sur les migrations.