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Le droit à l’eau pour tous, un engagement d’hier et d’aujourd’hui (1/2)

01.07.2016


Cet article est le troisième de la série "France Libertés fête ses 30 ans" –
Chapitre 1 : les Jummas, le peuple oublié
Chapitre 2 : la biopiraterie au coeur des combats de France Libertés
Chapitre 4 : le droit à l'eau pour tous, un engagement d'hier et d'aujourd'hui (2/2)
Chapitre 5 : Racisme, discrimination et exclusion : 30 ans d'action
Chapitre 6 : Kurdistan, 30 ans de compagnonnage
Chapitre 7 : La défense des droits des peuples à l'autodétermination

Au fil de ses voyages et de ses rencontres, Danielle Mitterrand a été interpellée sur les besoins incessants des populations pour l’accès à l’eau et à l’assainissement. Ces besoins sont assurés dans nos pays pour plus de 99% de la population, mais c’est loin d’être le cas partout dans le monde. On estime aujourd’hui à près d’un milliard les personnes qui n’ont pas accès à une eau de bonne qualité et à plus de deux milliards ceux qui n’ont pas accès à des toilettes, même rudimentaires.

arton190.jpg C’est en prenant conscience de cette réalité que Danielle Mitterrand a fait le choix d’engager sa Fondation sur le chemin du droit à l’eau pour tous. Elle était certaine qu’il n’était pas possible de se battre pour la liberté sans vivre dignement chez soi.

Sans eau, pas de dignité, pas de liberté, juste la survie.

La Fondation France Libertés, aux côtés de nombreux militants, défendait le droit à l’eau pour tous au début des années 2000, à une période où la notion de droit à l’eau était encore peu envisagée et très peu défendue.

Il aura fallu attendre 10 ans et l’action incessante de très nombreux militants dans le monde pour que les Nations Unies, sous l’impulsion de la Bolivie et de l’Équateur, votent une résolution reconnaissant le droit à l’eau pour tous. Cette résolution a recueilli le vote ou l’abstention de tous les pays, aucun n’a osé voter contre. Cela démontre l’évidence du droit à l’eau et à l’assainissement, mais malheureusement pas sa mise en application.

La Fondation s’est félicitée de cette position de l’ONU mais est restée lucide quant à sa mise en œuvre toute relative. Si une trentaine de pays du sud du monde ont inscrit le droit à l’eau pour tous dans leur constitution, tels que l’Afrique du Sud, l’Equateur, le Paraguay, ni la France, ni aucun pays dit développé n’a été dans ce sens.

Danielle Mitterrand rappelait souvent l’évidence : en France, ce n’est pas le droit à l’eau pour tous mais le droit à l’eau pour tous ceux qui peuvent payer.

La vision économique l’emporte sur l’évidence vitale et c’est bien le drame de notre société obnubilée par l’argent. Certains signes vont pourtant dans le bon sens. Le retour en régie publique de la ville de Paris en janvier de cette même année 2010 a donné un signal fort pour que les politiques s’emparent de cette question de la mise en œuvre du service public par le public afin de garantir le service d’intérêt général aux usagers et non aux clients.

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Forte de ces convictions, la Fondation et de nombreuses associations ont décidé de porter ensemble une proposition de loi visant à inscrire le droit à l’eau et à l’assainissement pour tous dans la législation française. Ce long travail est enclenché depuis maintenant 4 années et, après un long parcours de persuasion et de conviction, le texte de cette proposition a été adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale le 14 juin 2016.

Pourtant nous ne sommes pas au bout de nos peines car si il a été voté, il a aussi été amputé de la possibilité de mettre en place un fond d’aide préventive permettant d’aider le million de familles qui en France se trouve en grande difficulté pour payer son accès à l’eau.

La Fondation connait bien ces familles car elle aide directement depuis maintenant deux ans les victimes de coupures d’eau illégales en partenariat avec la Coordination Eau Ile de France. Cet appui associatif et juridique que nous apportons à ces familles nous ont permis de nous rendre compte de la précarité que subissent certains de nos concitoyens et de la violence que représente trop souvent la mise en œuvre du service public de l’eau par des acteurs centrés sur l’équilibre économique ou les profits financiers.

Lorsque nous avons interpellé les acteurs de l’eau à tous les niveaux, il nous a été impossible de faire respecter la loi car aucun n’entendait l’évidence : le droit à l’eau pour tous garantit une vie digne pour tous. Gouvernement, élus de tous bords, multinationales de l’eau, distributeurs publics et privés, nous expliquaient que seul le recouvrement des factures était essentiel et que les mauvais payeurs étaient forcément de mauvaise foi.

Il nous a donc fallu porter ce sujet devant les tribunaux pour enfin obtenir du soutien. Un soutien franc et massif des juges qui, au fil d’une dizaine de jugements, ont compris la violence qui était faite aux usagers du service public de l’eau.
Devant ces victoires juridiques et notamment celle devant le Conseil Constitutionnel en mai 2015, la plupart des acteurs de l’eau ont revu leur position. Mais nous restons peu nombreux à penser que les droits fondamentaux et notamment le droit à l’eau pour tous doivent être mis en œuvre hors de la contrainte économique. Pourtant notre bien commun ne peut pas être dépendant de notre capacité à payer l’accès à l’eau.

En quoi sommes-nous encore une société civilisée si nous ne sommes pas capables de partager l’eau vitale ?

Forte de ses trente années d’expérience, la Fondation France Libertés va continuer à porter la voix de toutes celles et ceux qui pensent que l’évidence du droit à l’eau doit l’emporter sur l’indécence du profit financier sur un bien commun. Nous allons tout faire pour convaincre les Sénateurs d’adopter la proposition de loi pour le droit à l’eau pour tous. Nous allons tout faire pour rallier à nous ceux qui pensent qu’une société riche comme la France doit non seulement garantir le droit à l’eau pour tous sur son territoire mais aussi faire en sorte que le droit à l’eau pour tous soit garanti à l’Humanité tout entière.

C’était l’engagement de Danielle Mitterrand qui, à la veille de sa mort, défendait le droit à l’eau pour tous dans une conférence à l’Université de Saint Denis. Nous n’aurons de cesse de continuer à porter cet engagement jusqu’à ce qu’il devienne réalité.