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Le Collectif Biopiraterie au Sénat

30.11.2010


 

Le lundi 8 novembre 2010 a été organisé au Sénat, sous le patronage de Marie-Christine Blandin, Sénatrice du Nord, et Jean Desessard, Sénateur de Paris, un colloque sur « La Guyane : entre diversité et égalité des peuples et des territoires ». Ils ont invité le Collectif Biopiraterie à intervenir sur la question.

La première table ronde fut consacrée aux moyens de lutte et alternatives possibles à la biopiraterie. Corinne ARNOULD (fondatrice de l’association « Paroles de Nature ») et Héloïse CLAUDON (juriste en droit de l’environnement, volontaire à France Libertés) sont ainsi intervenues au nom du Collectif Biopiraterie, aux côtés :

 d’Alexis TIOUKA, expert au conseil scientifique du parc amazonien et de la question de l’accès aux ressources génétiques et partage des bénéfices.

 de Jean-Dominique WAHICHE, juriste et enseignant en droit du patrimoine naturel, délégué par le ministère de l’Environnement comme expert pour les négociations relatives à la Convention sur la Diversité Biologique et déjà intervenant lors des 1ères rencontres internationales sur la Biopiraterie organisées par le Collectif en juin 2009.

Ce débat a été l’occasion pour le Collectif de présenter la problématique de la biopiraterie ainsi que les modes d’action du Collectif.

En partant de l’exemple du Sacha Inchi ; graine péruvienne sur laquelle l’entreprise française Greentech a retiré volontairement son brevet illégitime en 2009 suite à l’action du Collectif ; ce dernier a communiqué au public les différents enseignements de cette première grande victoire :

1) Une mobilisation de la société civile, comprenant dialogue avec l’entreprise et pression médiatique, peut être efficace et éviter les longues et coûteuses démarches d’un contentieux

2) La coopération internationale avec les personnes confrontées au problème sur le terrain est indispensable : nous l’avons vu dans le cas du Sacha Inchi découvert et résolu grâce à l’appui de la Commission Nationale contre la Biopiraterie du Pérou.

Le Collectif a donc affirmé publiquement son désir de tourner son action vers l’Outre-Mer, et a appelé les différentes organisations de la société civile, les élus et les représentants des peuples autochtones à travailler de concert avec lui dans le traitement de cas et l’émergence d’alternatives à la biopiraterie.

3) Le système de propriété intellectuelle (brevets) est inadapté et défaillant.

Défaillant parce qu’il ne respecte pas ses propres critères d’octroi d’un brevet ; qui sont la nouveauté, l’activité, inventive et l’application industrielle ; en accordant des brevets sur des savoirs dont l’antériorité est indéniable. (dans le cas du Sacha Inchi, le laxisme de l’office des brevets était d’autant plus flagrant que la preuve de l’antériorité était écrite !)

Inadapté parce que les savoirs traditionnels sur la biodiversité sont détenus de manière collective, transmis oralement et souvent sacrés voire secrets.

Les alternatives possibles résident, comme le font par exemple l’Inde et le Pérou, dans la constitution de registres nationaux répertoriant ces savoirs, bien que cette pratique n’écarte pas tous les risques d’appropriation illégitime.

Une autre initiative, en cours depuis 10 ans au sein du Comité Intergouvernemental de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle auquel se rend régulièrement le Collectif, consiste en l’élaboration d’un statut juridique sui generis (= spécifique) pour les savoirs traditionnels, adapté à leur spécificité et permettant à leurs détenteurs de les protéger.

4) Enfin, ce cas a mis en lumière l’importance d’un système de régulation de l’Accès aux ressources génétiques et savoirs traditionnels associés et du Partage des Avantages découlant de leur utilisation (APA) et a illustré le problème de la disparité des législations. En effet, la législation forte du Pérou en la matière perd de son efficacité si les autres pays, dont la France, ne font pas de même.

Le problème a été traité en partie lors de la Conférence des Parties de la CDB à Nagoya en octobre 2010 par le Protocole sur l’APA, bien que celui-ci ne soit pas totalement satisfaisant.

Les Etats doivent désormais obligatoirement adopter une législation en la matière, et le Collectif Biopiraterie a appelé les décideurs politiques à une bonne application de ce protocole international pour la mise en place d’un régime réellement protecteur des ressources et des savoirs.

M. Desessard a ainsi suggéré la création d’un groupe de travail sur l’élaboration de la législation APA française, auquel le Collectif souhaite apporter son expertise et expérience.

En effet, la Guyane est entourée de pays, comme le Brésil, ayant déjà des législations fortes en la matière et ne doit pas devenir le moins-disant de la zone à cause d’une législation trop permissive.

En conclusion, le Collectif Biopiraterie a insisté sur le fait que le meilleur moyen de protéger les ressources biologiques et les connaissances traditionnelles qui y sont associées, est de garantir les droits de leurs détenteurs, soient les populations autochtones et les communautés locales. Les premiers concernés par le problème de la biopiraterie doivent donc pouvoir participer aux décision les concernant et donner leur consentement préalable et informé en cas d’exploitation de leurs richesses.

Le Collectif a rappelé une fois de plus que la France n’avait toujours pas ratifié la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail qu’elle a pourtant signé en 1989 et qui garantit les droits fondamentaux des populations autochtones. Les membres du Collectif ont également insisté sur l’importance de l’intégration des principes de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones (2007) à la future législation APA française.