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La lutte contre la biopiraterie à Nagoya : l’ombre d’un échec.

28.10.2010


France Libertés, au travers du Collectif Biopiraterie, déplore qu’une fois encore les intérêts économiques des pays industrialisés soient prioritaires sur ceux sociaux et culturels des peuples directement concernés.

Beaucoup de points sont encore à régler pour la mise en place du très attendu régime international sur l’Accès et le Partage des Avantages (APA) qui permettrait de lutter contre la biopiraterie. Alors que les négociations se terminent vendredi et, à l’instar des sessions des groupes de travaux précédant Nagoya, chaque groupe de négociation semble campé sur ses positions et les pays du Nord ne sont pas prêts de lâcher leurs privilèges.

L’attitude des ces derniers n’a d’ailleurs pas échappé aux observateurs de la société civile et de la CBD Alliance (groupement d’ONG spécialisées sur les questions de la Convention sur la Diversité Biologique) qui ont décerné ce lundi le « Prix Dodo » à l’Union Européenne pour son comportement particulièrement obstructif dans les négociations du Protocole sur l’Accès et le Partage des Avantages (APA). Le Canada fut pour sa part gratifié de cette piètre distinction pour son refus d’intégrer les principes fondamentaux de la Déclaration des Nations Unies sur les Peuples Autochtones (DNDPA).

Le projet de protocole reste truffé de parenthèses et son engagement vers une réelle protection des ressources biologiques et des savoirs semble bien timide. Sont en suspens notamment les questions de la rétroactivité de l’accord, la référence à des textes internationaux antérieurs (le Collectif Biopiraterie et les pays du Sud réclament une référence expresse à la DNUDPA) et l’obligation de divulgation d’informations primordiales par les prétendants à l’accès aux ressources et aux savoirs.

Le document légitime clairement les brevets sur les ressources biologiques et les savoirs traditionnels associés, et il est question d’intégrer une formule indiquant que les dispositions de l’accord ne peuvent en aucun cas remettre en cause les droits de propriété intellectuelle.

Ce type de mention se retrouve d’ailleurs systématiquement dans les quelques textes internationaux qui permettraient de protéger efficacement les ressources et savoirs des populations qui les utilisent depuis des millénaires (la Convention de l’UNESCO sur le patrimoine immatériel par exemple). Le système des brevets, même illégitime ou inadapté en devient intouchable.

Par ailleurs, la liste de ce qui pourra être considéré comme avantage ou partage de bénéfices comporte des aspects quelques peu surprenants. On y lit notamment : « la reconnaissance sociale » ou encore une simple « contribution à l économie locale »…

A l’inverse, une grande partie du projet est consacrée à l’obligation des pays fournisseurs de ressources (principalement les pays du Sud) de mettre en place des structures et règles claires dans leurs législations réglementant l’accès des utilisateurs aux ressources. La nécessité de traiter ces aspects est indéniable mais elle est hautement chronophage et n’est pas prioritaire.

Les observateurs présents, dont le Collectif Biopiraterie, ainsi qu’un membre de la délégation gouvernementale française interrogé sur place, ne cachent pas leur pessimisme sur l’issue des négociations.

Rien cependant n’est prévu dans l’attente de l’aboutissement à un régime réellement protecteur des ressources et des savoirs et le collectif Biopiraterie réitère sa demande de moratoire sur les brevets tant qu’un cadre satisfaisant n’est pas adopté. Voir les revendications du Collectif biopiraterie

Un point positif se dégage cependant de ces laborieuses négociations… C’est celui de la rencontre des 3 seules organisations européennes traitant à ce jour de biopiraterie : le Collectif Biopiraterie français dont fait partie France Libertés, la Déclaration de Berne (Suisse) et le Collectif allemand contre la biopiraterie.

Au cours d’échanges fructueux, l’idée d’une étroite coopération entre ces organisations a émergé afin de faire naître une solide plateforme européenne contre le pillage des ressources et pour l’encouragement de bonnes pratiques. En cas d’échec (probable) des négociations, la société civile sera donc en mesure de poursuivre et d’amplifier son travail de proposition et de sensibilisation.