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La gouvernance mondiale des migrations en débat au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU.

12.06.2014


Le durcissement des barrières physiques et légales, le renforcement des contrôles aux frontières européennes via l’agence Frontex et le système de surveillance EUROSUR n’ont jusqu’à présent ni enrayé le flux des migrants, qui reste constant, ni assuré la protection des migrants. Devant le déploiement aux frontières de l’Europe d’un contrôle militarisé et disproportionné, les migrants utilisent des itinéraires de plus en plus risqués pour atteindre leur destination. Un rapport élaboré par une équipe de journalistes européens estime à 23 858 le nombre de migrants morts ou disparus aux frontières de l'Europe depuis 2000. Soit le double des estimations dont on disposait jusqu'alors. Ce chiffre est sans doute en-deçà de la réalité.

François Crépeau, Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des migrants et Vincent Chetail, directeur du Global Migration Centre et professeur de droit international à l’Institut de Hautes Études Internationales et du Développement ont débattu, devant une centaine de personnes, de la nécessité d’une gouvernance mondiale afin de réduire la vulnérabilité des migrants et de reposer le débat sur les migrations.

Face aux récents résultats des élections européennes, tous ont rappelé qu’il est urgent de combattre la banalisation médiatique de la montée des extrêmes droites, de cesser de parler de la migration sous le seul prisme, dangereux et réducteur, de la sécurité et de sortir de l’instrumentalisation politique dont elle est l’objet. En effet, le traitement sécuritaire de la migration, appliqué au mépris des obligations internationales et des valeurs de l’UE, est devenu la norme dans un monde où les migrations tendent pourtant à se banaliser : mondialisation, facilités croissantes de transports et de communication, etc. En même temps, les déséquilibres mondiaux se creusent, les conséquences des changements climatiques s’aggravent et la libéralisation non-régulée du commerce mondial s’intensifient. Ces facteurs incitent de plus en plus à migrer. Cette vision sécuritaire, qui attise les peurs, les fantasmes et les préjugés, rendant les migrants vulnérables et amenant les Etats à enfreindre les droits fondamentaux des migrants.

Les intervenants ont également fait état de la fragmentation de la gouvernance des migrations au sein des Nations unies, composée d’une multitude d’acteurs et d’agences non coordonnés qui portent chacun une partie de la responsabilité.  Face à cette absence de cadre général, les États régissent les migrations principalement sur une base unilatérale et interétatique, répondant à des pressions de politiques nationales et nourrissant des discours populistes contre les immigrants. Il est fondamental que les migrants soient considérés avant tout comme des êtres humains ayant des droits et non comme des criminels.

Ainsi, le débat sur une réforme de la gouvernance des migrations améliorant la coopération entre les différents acteurs (Etats, société civile, entreprise, migrants) et instaurant un cadre juridique respectant les droits humains a été posé et des recommandations ont été faites :

  • Nous rappelons aux Etats l’intérêt de mettre en place un régime de gouvernance des migrations internationales fortement axé sur les droits de l’homme, cohérent et intégré.
  • Nous appuyons la recommandation faite par le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants dans son rapport 2013 en faveur de la tenue périodique de dialogues de haut-niveau sur les migrations. Ce cadre de concertation serait ouvert à tous les acteurs présents dans le domaine des migrations (Etats, société civile, syndicats…).
  • Nous appelons la création, au sein de l’ONU, d’un cadre institutionnel pour les migrations axé sur les droits de l’homme.
  • Le rôle de ce cadre institutionnel serait également d’élaborer un statut juridique international du migrant.
  • Nous en appelons à la reconnaissance du droit de migrer, liberté individuelle à la mobilité qui prolonge et complète les autres droits fondamentaux.
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