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Grands barrages : fausse énergie verte et vraie menace pour les peuples

12.07.2012

maisons_inondees_-_barrages.jpgLa Commission Internationale des grands Barrages (CIGB) définit un grand barrage selon les caractéristiques suivantes : une hauteur de plus de 15 mètres à partir de la fondation et un réservoir de plus de 3 millions de m3. Selon cette définition, il existe actuellement 52 000 grands barrages dans le monde. Ce nombre a augmenté de manière exponentielle au cours des dernières décennies. On peut citer les Trois Gorges achevé en Chine en 2008, Itaipu, commun au Brésil et au Paraguay, ou le barrage de Jirau en cours de construction au Brésil.
En 2009, l’énergie hydraulique représentait 2,3% de la production énergétique mondiale et 16,2% de la production électrique. L’énergie produite par les barrages, présentée comme une énergie renouvelable, propre et abondante, est appelée à se développer plus encore dans les prochaines années.

Pourtant cette énergie « verte » présente de nombreuses limites, du point de vue à la fois de ses impacts sur les écosystèmes et sur les populations locales.

Grands barrages, changement climatique et écosystèmes

Il s’agit tout d’abord de relativiser la propreté de cette énergie, « non émettrice de CO2 ». Si le processus de production d’énergie n’émet pas lui-même de gaz à effet de serre, la construction de ces barrages parfois pharaoniques implique l’utilisation et le transport de matériaux qui alourdissent considérablement le bilan carbone de cette énergie. Par ailleurs, le réservoir du barrage est constitué en inondant des zones de culture et de forêts riches en matières organiques. Ces matières se décomposent ensuite dans le réservoir, émettant de grandes quantités de gaz (méthane, protoxyde d’azote) à très fort effet de serre. Au total, les grands barrages sont responsables de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (soit plus que le secteur aérien).

La construction des grands barrages impacte négativement les écosystèmes. Ils perturbent le débit, la faune et la flore des rivières et des fleuves et dégradent la qualité de l’eau. L’inondation du bassin peut entraîner la disparition d’espèces végétales et animales endémiques.

Grands barrages et droits des peuples

Les projets de grands barrages sont souvent présentés comme un vecteur de développement pour les populations locales. Pourtant, les populations locales sont rarement consultées lors de l’élaboration de ces projets et les conséquences pour elles peuvent être catastrophiques. Ainsi, en 2000, la Commission Mondiale des Barrages comptabilisait entre 40 et 80 millions de personnes déplacées dans le monde du fait de la construction des barrages. Les populations les plus touchées sont souvent les populations autochtones et rurales.
La dégradation des écosystèmes entraîne une modification profonde des modes de vie des populations notamment du fait de la diminution des zones cultivables et des stocks de poissons, de la déforestation ou de l’apparition de maladies (paludisme…). Ainsi, selon les Amis de la Terre, outre les populations déplacées, 472 millions de personnes seraient affectées par les impacts en aval des grands barrages.

Enfin, alors que près de 2 milliards de personnes n’ont pas accès à l’énergie, notamment dans les zones rurales reculées, l’électricité produite par les barrages profite rarement aux populations locales. Elle a vocation à être exportée pour fournir de l’électricité aux grandes villes, aux industries, ou aux pays voisins.

L’énergie hydraulique produite par des barrages de grande taille ne peut être considérée comme une énergie propre. Cette fausse solution nous fait oublier les vraies alternatives : production d’énergie par des sources locales pour satisfaire les besoins des populations les plus isolées (micro-barrages, petit éolien, solaire), réduction de la consommation énergétique des pays du Nord.

En cas de construction d’un grand barrage, le projet doit suivre les recommandations de la Commission Mondiale des Barrages, notamment quant à la consultation des populations locales en respectant le principe du consentement libre, préalable et éclairé des populations autochtones. Ce principe, affirmé par l’article 6 de la convention 169 de l’OIT sur les peuples indigènes et tribaux, impose de « consulter les peuples intéressés, par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l’on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement. »

Actions de la Fondation

–    Depuis 2000, dans le cadre de son soutien aux populations kurdes, France Libertés s’oppose à la construction du barrage d’Ilisu en Turquie.

–    Soutien à la campagne de l’association Planète Amazone, dénonçant les conséquences du barrage de Belo Monte sur les peuples autochtones brésiliens, leurs droits à la terre et aux ressources. La construction de ce barrage entraînerait le déplacement de 20 000 personnes et menacerait la survie des peuples indigènes. Une pétition est lancée et des actions de mobilisation coordonnées, en écho aux déclarations présentés par France Libertés et ses partenaires devant le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU.

–    Partenaire de la campagne des Amis de la Terre « À qui profitent vraiment les grands barrages ? » contre le financement des grands barrages dans les pays du Sud par la Banque Européenne d’Investissement. Cette campagne dénonce notamment les impacts des barrages sur les populations locales, le non-respect du consentement libre et éclairé et l’absence de transparence et de respect des droits dans les financements accordés par la BEI. Une cyberaction est lancée et un document d’information et de sensibilisation est diffusé.
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