Go to the main content

Droits des peuples : Nagoya à l’épreuve du terrain

15.04.2011


Le protocole de Nagoya adopté en octobre 2010 oblige les acteurs économiques à demander le consentement des communautés et à prévoir un accord de partage des éventuelles retombées pour utiliser leurs ressources bio-culturelles. Cet outil international est encore loin d’être effectif sur le terrain. Il nécessite la participation de l’ensemble des acteurs locaux pour remplir son objectif de protection des savoirs et des ressources des communautés.

Dans ce cadre, les 11, 12 et 13 avril derniers, à Khwa-ttu, à l’ouest du Cap en Afrique du Sud, se tenait un séminaire international pour le lancement de « l’Initiative Africaine pour les Protocoles Bio Culturels » auquel France Libertés participait..

Programmée sur plusieurs années, « l’Initiative africaine pour la mise en œuvre des Protocoles Bio Culturels* » soutiendra des partenariats multi-acteurs (communautaires, société civile, institutionnels, privés et gouvernementaux) pour renforcer les droits des communautés autochtones et locales en Afrique. Cet outil est une avancée majeure pour la reconnaissance des droits des communautés sur leurs ressources.

En effet, ces protocoles consistent à la mise en place de réflexions et de groupes de travail (respectant les habitudes culturelles traditionnelles) à l’intérieur des communautés autochtones pour arriver à des déclarations, pour et par elles-mêmes, sur leurs intentions de développement et de valorisation de leurs ressources et modes de vie traditionnels.

Le but est de faire reconnaître dans des cadres légaux nationaux et internationaux, le choix des communautés sur leurs modes de vie, leurs savoirs et leur potentielle valorisation. En effet, c’est par elles-mêmes et selon leurs modalités que ces populations autochtones doivent décider de s’inscrire ou non dans le contexte d’économie de marché globalisée actuelle. Le droit national et international doit donc être au service de leur auto-détermination et non pas s’imposer à elles, c’est un des buts de la mise en place de ces protocoles.

Durant les deux premiers jours de ce séminaire, les participants ont partagé leurs expériences locales de développement des protocoles communautaires dans leurs régions d’origine, tandis que d’autres ont exprimé leurs besoins futurs de mettre en place ces Protocoles, afin de faire face à la diversité des défis affrontés par les communautés locales.
De manière générale, le développement de Protocoles s’opère selon une approche défensive (sauvegarde de leurs droits fondamentaux) ou une approche « aspirationnelle » (désir de déterminer leurs futurs de manière autonome).

Ils ont ensuite pu réfléchir ensemble sur les prochaines étapes de renforcement de leurs Protocoles, afin d’assurer leur légitimité au niveau local, régional et national. Ils ont également fixé les objectifs à atteindre pour l’année suivante, et les échanges d’expériences et d’expertise nécessaires pour les réaliser.

Que cela concerne les communautés d’Afrique du Sud, de l’Ouest (Ghana, Bénin, Burkina Faso) ou encore de Namibie ou d’Ethiopie, tous les groupes régionaux ont exprimé une volonté  commune : mettre en œuvre ces protocoles pour la conservation de leurs ressources naturelles pour le bien-être durable des communautés locales.

Selon les contextes, les objectifs spécifiques, autant à court terme qu’à long terme, concernent à la fois :

  • la résolution de conflits (souvent avec les gouvernements, les autorités locales mais aussi parfois les communautés voisines),
  • le renforcement des capacités locales (empowerment),
  • la participation et l’unification des communautés (d’une même région ou faisant face à la même problématique de violation de leurs droits fondamentaux sur leurs ressources, terres ou savoirs),
  • l’élargissement et le développement des actions de communication et de sensibilisation,
  • le soutien technico-légal des ONG et experts.


Le troisième jour était consacré à une réflexion commune sur un programme de développement des capacités juridiques communautaires afin que les représentants et organisations locales elles-mêmes puissent être formés à maitriser les outils juridiques nécessaires à la défense de leurs droits.

En effet, les représentants et chefs traditionnels ainsi que les organisations autochtones ont fait état d’un manque cruel de capacités juridiques et même de connaissance quant au droit international et aux moyens légaux d’action relatifs à la revendication de leurs droits sur leurs ressources.

Par conséquent, il s’agissait de mettre sur pied un programme de formation pour les membres des communautés et chefs traditionnels afin qu’ils puissent eux-mêmes comprendre les contextes légaux, locaux, nationaux et internationaux et ainsi mieux défendre leurs droits.

Les communautés autochtones et communautés locales ont ainsi des droits fondamentaux liés à leur environnement et à la propriété collective de leurs ressources naturelles, pourtant non reconnus et continuellement violés par les Etats.

Première en son genre en Afrique, l’Initiative pour le Développement des Capacités en Droits Bio Culturels** lancée lors de ce séminaire, est également un outil de lobbying, de plaidoyer et d’information auprès des gouvernements africains – en train d’adopter des lois et politiques nationales concernant les droits collectifs de propriété sur les ressources génétiques et savoirs traditionnels.

France Libertés était présente pour démontrer son engagement sur les questions de l’accès aux ressources communautaires et aux savoirs traditionnels (et notamment dans le cadre de la lutte contre la biopiraterie).

Ce séminaire a aussi été une opportunité majeure de développer des partenariats avec ces acteurs communautaires partout en Afrique afin de renforcer notre plaidoyer en faveur de la reconnaissance des droits des peuples sur leurs ressources.

France Libertés,  dans le cadre de son rôle de plaidoyer et de force de proposition, se fera l’echo des initiatives panafricaines  afin que l’UE, grande utilisatrice de ces ressources, se positionne en faveur de la défense des modes de vie, identités et cultures traditionnelles.
 

 

*African Bio-Cultural Community Protocol Initiative (BCP Initiative)
**(African Bio-Cultural Rights Capacity Development Initiative)