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Discours de Emmanuel Poilane à Science Po Lille

17.03.2011


Pour écrire ce texte qui vous est adressé, il me faut vous imaginer : interrogateurs, perplexes, circonspects, curieux ou bien, forts de votre certitude que l’enseignement qui vous est dispensé, inspiré et conforté par le système mondial en cours, n’offre aucune alternative fondamentale ? 

Et pourtant, à l’heure de la globalisation économique et financière, dont on connaît les effets, à l’heure de la folie meurtrière des grands décideurs face aux populations  en mal de vivre, des femmes et des hommes de tous les continents s’interrogent, écoutent les témoignages, rencontrent les victimes de cette politique exclusive, s’inspirent des initiatives en cours en résistance à la fatalité du désespoir, observent les expériences concluantes ou pas, et élaborent le processus d’une autre façon de penser l’organisation de la société humaine, dans son environnement.

Alors que nos dirigeants focalisent leur énergie sur les parts de marchés, la cote du PIB et la sécurité, après avoir brandi la peur au plus haut degrés de la méfiance, des organisations non gouvernementales, comme France Libertés, sont submergées de témoignages exprimant  une réelle inquiétude concernant la survie de l’humanité, particulièrement par manque d’accès à l’eau potable.

Pour défendre une cause, il faut en bien connaître les tenants et aboutissants

Alors parlons de l’eau, de son statut naturel et de sa mission pour la vie sur la planète.         

-Elément constitutif de la planète et du vivant : 80% pour le globe, mais aussi pour notre propre corps humain et tout ce qui vit, nous n’existerions pas sans l’eau.

– elle relie les éléments de la vie sous toutes ses formes

L’eau est le dénominateur commun de toutes les formes de vie sur terre et, probablement, dans l’univers. La vie est fille de l’eau…la vie des bactéries, des plantes, des animaux et des hommes.

Dés l’origine, elle a été et reste le lieu de rencontre unique des éléments constitutifs de la vie, les acides aminés, les ADN, les minéraux… Sans eau, l’improbable rencontre des ces divers éléments n’aurait jamais eu lieu.

L’eau est à la fois le préalable et le composant essentiel de la vie. Elle est la vie ; Pourtant la vie ne  consomme pas l’eau… Bien qu’elle participe à une multitude de combinaisons chimiques, l’eau n’est pas détruite. Eternellement, elle se recycle, toujours prête à entrer dans une nouvelle noria : macro noria  de la mer, de l’évaporation et des nuages ; micro noria des  échanges cellulaires et noria interhumaine, celle de l’eau « usée » que la nature régénère pour une nouvelle consommation.

L’eau est partout où se trouve la vie, la vie est partout où se trouve l’eau… et personne ne le conteste.

-Elle transporte les aliments pour la vie  elle a la propriété, sous ses multiples apparences, de transporter l’énergie du ciel dans ses puissants cumulus, de charrier des sédiments dans ses fleuves, de transporter les aliments jusqu’à la plus petite cellule végétale ou animale… 

-Elle rassemble les êtres vivants autour d’elle (marigo où les animaux sauvages respectent le temps de boire, les villes se construisent le long des fleuves)

– elle aurait du rester un vecteur naturel de solidarité et de paix.  

C’est son statut naturel qui lui dicte sa mission

         UNIVERSELLEMENT LIBRE et accessible

   Elément constitutif essentiel, (je le répète encore et encore), bien commun du vivant (comme les quatre éléments constitutifs de la vie),

   elle n’appartient à personne…. Donc à tout le monde  Dés lors on comprend (enfin je l’espère !)  que l’eau ne peut pas avoir un statut économique

 L’eau ne peut pas être une marchandise, pas plus que l’air que nous respirons, que les rayons du soleil nécessaires à la photosynthèse, non plus que  la Terre dont la gravitation universelle  nous permet de garder les  pieds sur terre.

Vous comprenez alors qu’il serait impensable d’aborder la réflexion sur l’eau dans un cadre national. Mais il est de bonne guerre de nous mobiliser pour garantir le droit à l’accès à l’eau pour tous.

Déjà, une première approche délicate avec le système capitaliste qui inspire l’économie mondiale en se référant au  modèle français de gestion qui se veut un modèle pour le monde.

Pour en juger la pertinence, apprêtez-vous à faire la connaissance de ceux que les multinationales de l’eau privent de l’essentiel pour vivre.

 Il est indispensable de résister à la main mise de quelques firmes multinationales toute puissantes qui s’approprient la ressource sous l’œil bienveillant de nos gouvernements et les recommandations de la Banque Mondiale

Car depuis longtemps,  nous avons compris le mécanisme de la politique libérale, nous la décortiquons dans son essence même, à l’échelle mondiale.

C’est pourquoi un Comité pour un Contrat Mondial de l’eau se met en place et rédige un « Manifeste » autour de Mario Suares et Ricardo Petrella. Danielle Mitterrand en a été la première signataire dès sa parution en…

Son objectif est justement de penser la gestion  de l’eau  planètaire.

Et si nos élus continuent à ne pas reconnaître le droit à l’accès à l’eau et à lui donner une valeur marchande, il faudra encore renforcer nos rangs.

En effet c’est en mars 2000 à La Haye  que l’accès à l’eau a été reconnu par les Etats comme un besoin et non comme un droit, pour conforter la résolution du Sommet de Rio qui lui conférait un  statut économique.  Evidemment nous ne sommes pas d’accord.

D’une part nous nous opposons aux investisseurs privés qui auraient à leur charge la gestion économique de l’eau. Sachant qu’ils ne pourraient rentabiliser leurs investissements qu’en fonction des bénéfices qu’ils pourraient réaliser, ils ne raisonneraient pas  en fonction des besoins réels et vitaux des populations.

De fait, les populations qui n’auraient pas les moyens de payer pour avoir accès à cette ressource en seraient privées. Il est malheureusement très simple d’imaginer les conséquences sanitaires d’un tel système et le coût en vie humaine qui, elles, n’ont pas de prix.

Et c’est pourtant cette définition du besoin opposé au droit qui a été reprise. Il a fallu galérer jusqu’en 2010, pour qu’à l’ONU, en juillet, à l’instigation de la Bolivie soit voté comme un droit de l’homme, l’accès à l’eau potable.  Evidemment, c’est un premier pas vers l’autre politique que nous proposons, mais les décrets d’application sont encore loin d’être signés et mis en œuvre.

Selon la formule des altermondialistes réunis pour la première fois à Porto Alègre en 2000, aves le slogan : « agir localement en pensant globalement », en France, nous avons lancé la campagne de remunicipalisation de la gestion de l’eau.

Cette campagne, pour nous, fut inspirée par l’expérience d’une petite municipalité varoise…

Exemple de Varage…

Aujourd’hui, à force de rencontres avec la population des usagers, d’explications, d’argumentations, de sensibilisation à la nécessité de changement de politique,  de dénonciations des pratiques peu recommandables pratiquées, nous voyons un renversement de tendance, et des reprises de contrats par les municipalités se concrétiser. Paris et des villes de moyenne et de moindre importance.

 

En s’appuyant sur la « charte des porteurs d’eau » dont les principes fondamentaux sont issus de la déclaration commune rédigée au cours du FSM de Caracas.

 

1)   l’eau n’est pas une marchandise

 

2)   elle doit être rendue à la nature après usage dans sa pureté initiale

 

3)    elle doit être gérée par le pouvoir public et son accès inscrit comme droit de l’homme dans les Constitutions.

Vous avez reçu la « feuille d’eau » qui symbolise le Mouvement des Porteurs d’eau. C’est un signe de reconnaissance pour celles et ceux qui militent pour un changement fondamental de politique.

 Fondamentale, parce qu’elle oppose au maitre à penser du système actuel c-à-d les valeurs financières injustement réparties, les valeurs, force de vie, à partager entre tous. Pas seulement tous…ceux qui peuvent payer, mais tout ce qui vit sur cette terre. A l’écoute de ceux qui s’en remettent au pouvoir de la Terre/Mère qui nourrit ceux qu’elle accueille, nous remettons en cause le système actuel, agent de la dictature économique toute puissante.

Ce n’est pas ce que vous enseignent vos professeurs, eux-mêmes formés, comme nous tous,  à l’école du capitalisme. Mais à ceux plus éclairés qui à l’instar de certains économistes et philosophes mettent en doute leur conviction, je vous propose d’écouter l’autre discours qui envahit les esprits. Et même si vous ne l’entendez pas, ne  rejetez pas d’emblée ceux qui y travaillent.

La discussion du nouveau projet de loi sur la politique de l’eau en France sera justement l’occasion de faire entendre un autre point de vue.

Tel :

 -la reconnaissance de l’eau comme un bien commun du vivant;

 

l’accès à l’eau en quantité et en qualité suffisante pour que l’humanité vive dignement, soit reconnu comme un droit fondamental, individuel et collectif ;

       une gestion publique de l’eau qui contribue à la solidarité pour la vie entre les communautés, pays, sociétés, sexes et générations ;

       la prise en charge financière de l’eau à la fois collective et individuelle selon les principes de responsabilité et d’utilité ;

       et enfin l’eau est une affaire de citoyenneté et de démocratie.

Ce sont ces initiatives qui permettent d’entrevoir la construction d’un autre monde, un monde où l’homme serait au centre de nos préoccupations, et le citoyen conscient de ses responsabilités.

C’est avant tout une réhabilitation de la démocratie. (Eviter de parler de démocratie participative, c’est un pléonasme)

Malgré la démesure et la folie fulgurante qui frappent de stupeur, des enfants continuent à naître, des populations continuent à s’abreuver et des arbres continuent à pousser.

La permanence de la vie impose que nous soyons vigilants.

C’est sur le thème de l’eau que l’on essaie de présenter un « mouvement de solidarité entre les peuples sans distinction « spécifique   », nous le présentons comme une force de propositions pour créer une autre mondialisation qui réfute la haine, les revanches, nourries par des intérêts qui ne nous concernent pas.

J’espère vous avoir intéressés, je vous en remercie.