Coupures d’eau illégales: la Cour de cassation oublie le service public
30.03.2015
La Cour de cassation renvoie devant le Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par la SAUR. Il revient donc au Conseil constitutionnel de se prononcer sur l’interdiction des coupures d’eau introduite par la loi Brottes en 2013.
Selon la Cour de cassation, la question posée "présente un caractère sérieux dès lors que la disposition contestée (…) est susceptible de porter une atteinte excessive à la liberté contractuelle, à la liberté d'entreprendre et à l'égalité des citoyens devant les charges publiques".
Cette décision de renvoyer vers le conseil constitutionnel permettra de valider définitivement notre lecture de la loi Brottes: les coupures d'eau pour impayés sont illégales.
Alors que les entreprises de l'eau n'ont de cesse de répéter leur engagement de service public, le dépôt de cette QPC révèle au grand jour la dynamique capitaliste d'exercice du contrat qu'elles défendent.
France Libertés et la Coordination Eau-Île-de-France déplorent que la Cour de cassation n'ai pas pris en considération deux aspects essentiels du service public de l'eau: le monopole exercé par les distributeurs d'eau et l'existence de moyens de recouvrement des impayés autres que la coupure pour mettre en œuvre leur liberté de contrat.
Sur le premier point, le service public de l'eau est spécifique car à la différence de l'électricité l'usager ne peut choisir son fournisseur, il lui est imposé par le choix de la collectivité. Par conséquent lorsqu'un distributeur procède à une coupure d'eau, il prive d'eau l'usager qui ne dispose d'aucun moyen de recours. C'est pourquoi l'exemple d'Arnaud est symbolique. En le privant d'eau pendant plus d'un an et demi, la SAUR démontre son peu d'intérêt pour la personne humaine. Cette dernière est bien privée de ce bien vital qu'est l'eau. Ainsi, nous souhaitons rappeler au Conseil constitutionnel que le monopole dont jouissent les opérateurs de l'eau leur confère la grande responsabilité de mise en œuvre du service public de l'eau et du droit à l'eau pour tous, elles semblent malheureusement trop souvent l'oublier au profit d'une approche de business.
Le second point est selon nous essentiel: non la coupure n'est pas indispensable au service public de l'eau. Pour preuve, nombre de services publics ne coupent pas l'eau à l'exemple de la plupart des régies publiques. Mais il est de notoriété publique que pour Veolia et la SAUR les coupures d'eau sont non seulement un business profitable (près de 10 millions d'euros par an) mais qu'elles sont également un moyen de pression terrible et violent.
Dernier acte en date du Syndicat des Eaux d'Île-de-France (SEDIF), vice-présidé par le sénateur Cambon: la coupure de l'alimentation en eau d'un immeuble entier, prenant en otage 9 familles d'Epinay-sur-Seine. Pour un différend entre Veolia et le syndic de l'immeuble, le SEDIF illustre sa complaisance avec l'utilisation systématique et en premier lieu de la coupure d'eau par Veolia, alors que d'autres moyens existent notamment le recours aux huissiers. Il s'agit là purement et simplement d'une prise d'otage.
À quelques semaines du rendu de sa décision, nous appelons le Conseil constitutionnel à prendre en compte la réalité quotidienne de plus de 100.000 familles par an qui subissent des coupures d'eau, et à faire respecter la loi Brottes. L'interdiction des coupures d'eau est nécessaire pour reconstruire une relation équilibrée entre les distributeurs et les usagers dans le respect des droits fondamentaux et du service public de l'eau bien commun.
Publication: 27/03/2015