
Sortie du film « De la guerre froide à la guerre verte »
27.02.2025
Avec « De la guerre froide à la guerre verte » Anna Recalde Miranda signe un film percutant qui met en lumière la réalité du Paraguay et du Brésil et interroge les racines de la crise écologique actuelle à l’aune de l’histoire. Différents personnages y retracent ainsi la généalogie qui a mené à la propagation des cultures de soja en écho avec l’histoire politique de ces pays, et notamment celle de la dictature de Stroessner et de Branco.
A partir de 1954, le Paraguay subit la dictature de Alfredo Stroessner. Au cœur de la guerre froide, de nombreux coups d’états militaires soutenus par les États-Unis secouent l’Amérique du sud. Les idées anti-communistes donnent lieu à des répressions terribles à l’encontre de tou·tes les opposant·es à ces régimes dictatoriaux. Du Brésil à l’Argentine, du Chili à l’Uruguay en passant par la Bolivie et le Paraguay, la traque violente des résistant·es s’est développé de manière transnationale avec l’appui des services étasuniens à travers « l’opération Condor » – une politique de répression sanglante ayant causé environ 50 000 morts et 35 000 disparus entre 1975 et 1983. Avec le retour des démocraties, la justice a été au cœur de la reconstruction des sociétés meurtries, mais les marques laissées sont indélébiles.
Souvent méconnu, l’héritage de ces dictatures se reflète également dans la catastrophe écologique que subit la région et dans la violence exercée contre les défenseur·ses des territoires. En effet, l’accaparement des terres orchestré par les pouvoirs, n’a jamais été remis en cause suite aux chutes des régimes. Aujourd’hui, une poignée de propriétaire des terres y développe une agriculture intensive du soja, nocive pour le vivant et les habitant·es de la région. Ces politiques d’accaparement des terres, qui ont façonné l’actuelle « République du soja », est aujourd’hui dominé par l’agro-industrie sur un territoire transfrontalier de plus de 20 millions d’hectares entre le Paraguay et le Brésil. Ce système d’appropriation frauduleuse, connu sous le nom de terres malhabidas (mal acquises) ou grilagem (accaparement de terres), reste aujourd’hui un moteur clé de la déforestation et des conflits sociaux.
En remontant aux origines de cette situation, depuis la dictature d’Alfredo Stroessner (1954-1989) jusqu’à aujourd’hui, « De la guerre froide à la guerre verte » propose une lecture inédite des mécanismes en jeu. L’impunité des anciens régimes et la corruption endémique ont favorisé la consolidation d’un modèle agro-industriel destructeur, exploitant les terres aux dépens des peuples autochtones et des petits paysans.
Ce film, à la fois intime par le récit de la réalisatrice qui mêle subtilement son histoire personnelle à la mémoire des luttes sociales en Italie au début des années 2000, fait ainsi la lumière sur cette face oubliée de l’histoire et met à jour les liens entretenus entre les autoritarismes politiques et l’imposition d’un modèle économique et agricole néolibéral qui saccage la vie en toute impunité
Mettant ainsi en évidence les continuités entre les dictatures militaires du XXᵉ siècle et les logiques économiques actuelles, le film d’Anna Recalde Miranda dévoile un système de domination qui perdure sous d’autres formes. En soutenant ce documentaire, la Fondation Danielle Mitterrand réaffirme son engagement en faveur des droits des peuples et de la justice écologique. Comprendre le passé est indispensable pour mieux agir sur le présent et envisager un futur durable.
Je suis retourné au Paraguay en 2018, six ans après le coup d’État. Les effets de l’enlèvement des terres à la suite du coup d’État, sont dévastateurs. Les soja génétiquement modifiés occupent désormais 96 % des terres cultivables ; ils ont englouti tout le pays. Les températures dépassent désormais les 45 degrés, les incendies rendent l’air irrespirable, et le fleuve Paraguay, l’un des plus importants d’Amérique latine, est en train de s’assécher. Ce qui restait des communautés paysannes en difficulté et des terres indigènes, porteuses de modèles alternatifs, est en train d’être englouti par ce processus mortel. Il n’est pas étonnant que tout cela se produise ici, au Paraguay, berceau de l’opération Condor.
Anna Recalde Miranda
Le synopsis
« La frontière entre le Paraguay et le Brésil est devenue un désert vert. C’est le lieu d’origine de la république du soja, le berceau de l’agro-industrie mondiale. L’horizon est une ligne sans fin qui unit le passé et le présent. Un passé dicté par la violence politique de l’opération Condor et un présent marqué par les assassinats des défenseurs de la terre. »
Le film
« De la guerre froide à la guerre verte » – 1h42 (2024)
Réalisé par Anna Recalde Miranda
Produit par Hernan Mazzeo et Isabelle Chesneau – Lardux Films et coproduit par Ilaria Malagutti – Mammut Films / Eric Jarno – Tell me Films / Andrea Gandolfo, Giorgia Villa, Javier Arroyo – Picante / Mario Adamson – Sisyfos Film Production.
Distribué par VraiVrai Films
Sortie le 26 mars 2025.
Séances de projection
- Vendredi 14 mars – 19h – Albi, Scène Nationale, Nuit Ciné Latino
- Samedi 15 mars – 20h15 – Pau, Le Méliès – en partenariat avec les Amis du Monde Diplomatique et LDH 64
- Dimanche 16 mars – 18h – La Rochelle, CGR Dragon – en partenariat avec Amnesty International, le Mouvement pour la Paix et Les Amis de Cuba
- Lundi 17 mars – 20h30 – Poitiers, TAP Castille – Festival de Cinéma Hispano-Américain
- Mardi 18 mars – 17h – Saint Pierre d’Oléron, Eldorado, / 21h – Marennes, L’Estran – Regard sur le Cinéma d’Amérique Latine
- Mercredi 19 mars – 20h30 – La Roche sur Yon, Concorde – en partenariat avec Attac Vendée, Amnesty International, Confédération Paysanne Vendée et Amis du Monde Diplomatique
- Jeudi 20 mars – 20h20 – Pessac, Jean Eustache – Les Rencontres du Cinéma Latino Américain
- Vendredi 21 mars – 20h30 – Sète, Le Comoedia – en partenariat avec Salsa! et Amnesty International