Séminaire Alter-Territoires & Plaidoyers
27.07.2022
Séminaire « Alter-territoires & Plaidoyers » : comment articuler les stratégies de transformations sociales et écologiques ?
Un séminaire inédit pour tisser de nouvelles passerelles
Nous sommes très heureux et heureuses de présenter cette série d’interviews réalisées durant le séminaire « Alter-territoires, plaidoyers et fondations » organisé à la Bergerie de Villarceaux du 14 au 16 mars 2022 par les Fondations Charles Léopold Mayer, Un Monde par Tous et Danielle Mitterrand.
L’intention initiale des organisateurs et organisatrices était de réunir des acteurs et actrices qui se croisent rarement : des militant.e.s des « alter-territoires » qui organisent les résistances et les alternatives sur les terrains ruraux, urbains, populaires ou gentrifiés face aux logiques extractivistes et au duopole marché-Etat ; des organisations nationales qui fédèrent les dynamiques, construisent une expertise citoyenne et portent un plaidoyer en direction des institutions ; les fondations progressistes qui soutiennent ces acteurs selon des théories du changement et des modalités parfois convergentes, souvent complémentaires, encore trop peu coordonnées. Une fois convoqué ces trois « collèges » d’acteurs et d’actrices, il s’agissait de casser les silos, réfléchir ensemble sur la nécessaire accélération des transformations sociales, écologiques et les stratégies et moyens pour y parvenir.
Nous avons voulu profiter de cette rencontre inédite mais trop courte pour interviewer en priorité celles et ceux qui bâtissent ces « alter-territoires » au quotidien. En effet il nous semblait important d’obtenir leurs témoignages sur la situation de leurs luttes/alternatives et de leur poser la question de l’articulation entre les échelles d’action, de leurs relations aux institutions et de leurs besoins et perspectives sur le long terme.
Les interviews donnent à voir la diversité de ces territoires d’expérimentation et de luttes, des trajectoires militantes singulières ainsi que des enseignements et pistes pour renforcer ces écosystèmes de résistance et préfiguration dans le contexte des bouleversements sociaux, écologiques et politique vertigineux de l’Anthropocène. Il conviendra bien sûr d’approfondir une connaissance fine de ces terrains à partir d’un savoir situé des acteurs.ices et nous pourrons compter sur des observateurs et chercheurs comme Laurent Jeanpierre ou Corinne Morel-Darleux (cf. leur interview). En attendant de poursuivre ces explorations, nous vous proposons une première analyse transversale à partir des 18 interviews.
Les vidéos ont été réalisées par la formidable équipe de la télé associative marseillaise Primitivi que nous remercions encore une fois pour leur flexibilité et leur persévérance pour détourner momentanément les intervenant.e.s des discussions collectives et les installer face caméra dans le décor inspirant de la Bergerie de Villarceaux !
Voir les 18 vidéos sur le lien suivant : https://www.youtube.com/playlist?list=PLhTr0U4ZDYpWyowFs7fRQkW2tFqRi1U70
Des alter-territoires en émergence
La notion « d’alter-territoires » désigne un faisceau d’expériences et de situations militantes qui se déploie sur un arc d’intensité et de tactiques d’actions qui va de la résistance à la préfiguration, du conflit plus ou moins direct au partenariat plus ou moins institutionnel. Certains alter-territoires peuvent évoluer au fil des ans sur cet arc mais ils restent en général indissociables d’une « communauté affinitaire » tournée vers l’agir en commun, d’une relation qualitative aux non-humains et au vivant et d’un rapport de force politique visant à obtenir et construire l’autonomie la plus forte et durable possible.
La construction d’infrastructures collectives, de communs productifs et de subsistance écologiques et sociaux, caractérise ces ancrages territoriaux, en contexte urbain ou plus rural. A Nantes, le mouvement municipaliste Nantes en Commun a ouvert « Le Chapeau Rouge » un café associatif local fonctionnant comme un commun, lance le « Commun Champ » pour renforcer l’autonomie alimentaire ; et prépare le lancement « d’Energie de Nantes », un fournisseur d’énergie habitante. Au Pays Basque, le mouvement Alda renforce l’organisation collective des premier.e.s concernées au sein des quartiers populaires, pour s’attaquer aux problèmes et besoins fondamentaux dans leur cadre de vie. Sur le Plateau de Millevaches, le Syndicat de la Montagne Limousine construit une plateforme d’actions et de « services » collectifs sur tout ce qui touche à la vie du territoire, et met en œuvre une vision construite par et pour les habitant.e.s du territoire.
Des pratiques de solidarités et « d’inclusivité » concrètes s’y déploient, à partir d’actions engagées le plus souvent par, pour et/ou au service des personnes marginalisées (personnes exilé.e.s, racisées, femmes, classes populaires). A Saint-Denis par exemple, des femmes aux trajectoires de vies et d’exils difficiles construisent la « Cantine des Femmes Battantes » pour se réapproprier leur dignité et leurs moyens de vie, en alliance avec un écosystème de luttes et d’initiatives solidaires et collectives en Île de France.
Ces initiatives sont emblématiques de nombreux réseaux d’entraide et de solidarité informelles, qui fleurissent à même les rues, les quartiers, les villes, les espaces ruraux ; accentués par les multiples crises qui fragilisent les tissus sociaux – pandémies, vagues migratoires, etc. A Briançon, les Terrasses Solidaires ont construit un « tiers-lieu solidaire » pour un accueil inconditionnel des innombrables personnes exilé.e.s qui tentent de traverser la frontière franco-italienne, mais aussi de personnes et travailleur.euses précaires, touristes de passage, etc. Sylvain Aymard en témoigne : « La société civile pallie la défaillance de l’État. Mais on n’a pas les moyens de l’État, on pourrait rapidement s’épuiser. L’État doit prendre sa part. » Ces alter-territoires se construisent souvent « par en bas », par l’engagement solidaire des habitant.e.s, souvent à distance des institutions publiques, critiquées pour leurs logiques néolibérales et leur manque d’action.
Dans certains « alter-territoires », cette distance est revendiquée, la défiance est assumée pour pouvoir expérimenter par-delà ou en-deçà des carcans institutionnels et administratifs vécus comme très rigides et normatifs, et/ou parce que ces territoires d’expérimentation se déploient dans le sillage de luttes contre des projets d’infrastructures qui menacent des milieux de vie, des terres cultivables, des forêts – à l’instar de la Zad de Notre-Dame-des-Landes ou du Quartier Libre des Lentillères à Dijon.
Certains de ces « alter-territoires » déploient une dimension politique et radicale au sens noble des termes, qui interroge et conteste les racines de notre modèle de société actuel et préfigure, ici et maintenant, d’autres manières de vivre, produire, entrer en relation avec les autres humains et le vivant et faire commun(s). Cet « archipel de résistances et d’alternatives préfiguratrices », ainsi que le décrit Corinne Morel-Darleux[1], administratrice de la Fondation Danielle Mitterrand, forme une réponse directe aux logiques néolibérales, extractivistes, autoritaires et élitistes des politiques publiques contemporaines.
Dispersés dans des géographies relativement souterraines, ces alter-territoires sont porteurs d’alternatives systémiques qui cherchent à se diffuser et posent la question délicate du « changement d’échelle » et/ou de leur combinaison.
Changer et articuler les échelles à partir de la singularité des territoires et milieux de vie
Sur la question de l’articulation des échelles, – des alternatives locales aux changements de politiques publiques nationales, des listes citoyennes municipales aux réappropriations des bassins de vies, intercommunalités, biorégions… – les réponses n’expriment ni une tentation « localiste », ni une volonté de repli communautaire contrairement aux caricatures politico-médiatiques. Elles affirment le besoin d’une diversité d’actions, d’alliances et de soutiens par des acteurs hors territoire agissant selon une multiplicité de cultures et de modes d’action. Cette diversité de modes et d’échelles d’action est, pour Benoît de la Zad, une des clés de la victoire pour empêcher le projet d’aéroport : « L’articulation de différentes échelles, différents acteurs [combinaison de recours juridiques, d’occupation de terrains, études naturalistes, confrontations dures mais aussi manifestations avec 60 000 personnes] fait que tu deviens inattaquable, le pouvoir en face ne sait plus comment faire avec nous et doit abandonner le projet d’aéroport !» Ce principe fondamental de « composition » de la lutte a été le socle qui a inspiré la naissance du mouvement des Soulèvements de la Terre, une coalition d’acteurs différents agissant pour bloquer des projets d’infrastructures destructeurs, se réapproprier les terres agricoles et multiplier les installations paysannes.
Le changement d’échelle, c’est-à-dire la diffusion des alternatives, leur essaimage ailleurs, est un objectif commun à de nombreux « alter-territoires ». Cependant le processus, la manière de pratiquer ce changement d’échelle apparaît comme un enjeu dont il faut prendre soin. Pour ne pas « monter en généralité » trop vite, et éviter les actions/plaidoyers vécus comme « hors-sol » ou « pensés depuis Paris », de nombreuses réflexions témoignent du besoin de penser les organisations/plateformes/réseaux nationaux ou au-delà comme s’inscrivant dans des approches « trans-locales ». « Il faut interconnecter les échelles locales en évitant les réseaux globaux surplombants, ne pas faire le coup du réseau d’organisations nationales qui va faire des stratégies territoriales [à la place des premier.e.s concerné.e.s]. Pour ne pas être complètement hors sol, il faut partir du local vers le global et après on revient au local.» explique Joël Domenjoud, impliqué dans le lieu de solidarité Là Qu’on Vive à Commercy et dans la lutte de Bure.
Certains témoignages (Pas Sans Nous, Tera…) s’accordent sur la nécessité de disposer de sa propre expertise, de ses propres moyens de documentation afin de pouvoir diffuser dans les meilleures conditions un savoir-faire situé mais aussi de construire une réflexivité souveraine, c’est-à-dire un savoir approprié par les personnes concernées.
Des coalitions trans-locales qui se fédèrent à partir de leurs besoins autour d’objectifs communs, c’est précisément la dynamique qu’impulse Terres de Lutte, qui contribue à animer un réseau en construction de plusieurs centaines de luttes locales ; notamment à travers l’émergence de coalitions thématiques pour renforcer les luttes contre les projets de ferme-usines, d’extension de routes, de destruction de jardins populaires, d’entrepôts Amazon, etc. Terres de Luttes se positionne comme centre de ressources, facilitatrice d’alliances trans-locales et caisse de résonance.
Depuis 10 ans, l’organisation APPUII s’inscrit également dans cette perspective, à travers un accompagnement concret de collectif d’habitant.e.s luttant contre des projets de rénovation urbaine, et le croisement entre différentes formes d’expertise pour lutter et proposer des alternatives.
On retrouve aussi cette manière de penser une organisation de « facilitation trans-locale », de centre de ressource, et de caisse de résonance avec le travail de Fréquence Commune pour accompagner/former des dizaines de municipalités participatives issues de « listes citoyennes » ; et l’émergence d’un « Réseau des communes et collectifs participatifs », en vue des élections de 2026 notamment.
La dynamique est similaire pour la coalition « Pas Sans Nous » initiée en 2014 à la suite d’un rapport sur la politique de la ville co-construit avec les habitant.e.s des quartiers (Rapport Mechmache/Bacqué), et qui articule de nombreux groupes locaux dans une logique de « syndicat des quartiers populaires ».
Le réseau Longo Maï, quant à lui, consolide depuis près de 50 ans une coordination entre une dizaine de fermes coopératives réparties dans toute l’Europe, de l’Ukraine à la France en passant par l’Autriche ou encore l’Allemagne et la Roumanie. Ils déploient depuis plusieurs décennies des formes de solidarités concrètes entre coopératives, d’autant plus palpables depuis l’accentuation de la guerre en Ukraine fin février dernier[2].
En parallèle de ce niveau trans-local « national » (ou au-delà) prometteur, l’approche du Syndicat de la Montagne Limousine est de se projeter sur échelle plus large en agissant collectivement au niveau du bassin de vie, avec une initiative permettant de consolider les alternatives et les rapports de force territoriaux. Au-delà des initiatives locales, comment peser sur des institutions aux échelons supérieurs comme des Parcs Nationaux Régionaux, des intercommunalités, des Conseils départementaux, et au-delà les puissances financières et économiques qui imposent une vision mortifère de « l’attractivité du territoire » ? Comment trouver des alliances trans-thématiques entre des formes d’organisations très différentes pour ne pas s’enfermer chacun.e dans son silo ? Comment faire discuter ensemble les multiples acteurs.ices qui prennent soin et/ou défendent l’eau, la santé, l’éducation, l’alimentation, le droit d’asile et l’accueil sur un large territoire ? Comment inventer une plateforme d’action qui articule des collectifs et organisations aux réalités et cultures d’organisation très différentes – coopératives, associations, collectifs informels, élu.e.s minoritaires ou majoritaires, etc ?
C’est aussi l’approche que choisit Alda, au Pays Basque, une organisation d’habitant.e.s qui articule différents modes d’action – manifestations, campagne, diagnostic avec les premier.e.s concerné.e.s – pour agir sur les conditions concrètes d’existence et de le cadre de vie au Pays Basque nord.
Transformer les institutions ? Entre résistance frontale, braconnage et nouvelles formes de partenariats
Autre question centrale des interviews – et point de tension souvent fort entre différentes stratégies et modes d’actions – le rapport aux institutions est plus complexe, entre stratégies de « rupture » et de défiance plus ou moins tranchée, instrumentalisation tactique, et/ou tentative de transformations depuis l’intérieur. Ces diverses approches font écho à la typologie schématique des trois grandes stratégies de transformations sociales rappelées par Laurent Jeanpierre, à la suite des travaux du sociologue américain Erik Ollin Wright : stratégies dites de « ruptures » révolutionnaires ; stratégies dites « symbiotiques » au sein des institutions, par le droit, etc ; stratégies dites « interstitielles », de construction d’alternatives et d’utopies concrètes le plus à distance possible du duopole Etat-marché.
Du côté de l’Après M à Marseille, le positionnement est clair et s’affirme à partir du principe nécessaire et incontournable de dignité et de l’autodétermination des premier.e.s concerné.e.s : « On souhaite poursuivre notre projet quitte à avoir les plus mauvaises relations avec les institutions. Il s’agit de donner une véritable dignité à des gens qui vont construire un projet par eux-mêmes. Nous voulons avoir les meilleures relations du monde à condition d’être respectés et que notre projet ne soit pas dévoyé ou détourné. C’est eux-même qui doivent être acteurs de leur intégration et de leurs choix.» explique Fathi Bouaroua.
Si la plupart des alter-territoires interrogés sont dans un rapport de « braconnage avec les institutions », comme l’explique Tarik Belkadi, qui accompagne la Cantine des Femmes Battantes à Saint-Denis et l’émergence de l’association A4 d’entraide et apprentissage entre personnes exilé.e.s et paysan.ne.s), certains restent encore très dépendants des décisions des élus qu’il s’agisse de mise à disposition de lieux communaux ou de financements d’actions et de structures associatives. Le chantage aux subventions peut être dissuasif s’il n’est pas compensé par un accès aux dons privés (citoyens, fondations). Mais ce recours est lui-même problématique pour certain.e.s militant.e.s qui questionnent l’origine de la fortune des fondations privées (capitalisme prédateur, multinationales) autant que les contradictions du crowdfunding citoyen (paupérisation supplémentaire des classes populaires), comme le souligne Corinne Morel-Darleux.
Cependant certaines institutions se tournent vers les alternatives, en l’occurrence l’écologie sociale et populaire, comme le montre Julian Mierzejewski, fonctionnaire territorial à Grande-Synthe. Malgré les contraintes politiques, une collectivité territoriale peut agir en profondeur et sur le long terme, expérimenter, repolitiser et inspirer ailleurs. En allant sur le terrain de la santé et notamment de l’alimentation, les besoins et les solutions participatives se concrétisent ce qui permet aux populations les plus reléguées de produire dignement et à partir de leurs savoir-faire leurs propres moyens de subsistance[3].
C’est cette même logique de construction lente et patiente d’alliances avec des institutions publiques partenaires (commune, région, département) qui ressort de l’expérience de la SCIC Tera dans le Lot-et-Garonne. L’objectif étant d’obtenir les soutiens et investissements nécessaires pour mettre en œuvre cette « abondance résiliente » à travers des outils économiques et juridiques comme une monnaie locale, un revenu d’autonomie, une SCI pour la propriété foncière, une SCIC pour associer l’ensemble des acteurs privés et publics dans une gouvernance commune, une future coopérative d’habitant.e.s…
Par ailleurs, les hybridations municipalistes à l’image de Nantes en Commun ou la dynamique des « listes citoyennes » et des « communes participatives » suivies par Fréquence Commune (cf. interview d’Elisabeth Dau) essayent de mixer jeu électoral, transformation du pouvoir et des pratiques d’organisations (gouvernance collégiale, culture de l’écoute, recherche de la co-construction et co-décision, etc) et renforcement des conditions de l’autonomie militante et citoyenne.
Plus loin de nous, rappelle Corinne Morel-Darleux, certaines expérimentations que l’on peut retrouver dans les territoires zapatistes du Chiapas ou dans la région autonome du Nord et à l’Est de la Syrie (notamment depuis les territoires kurdes du Rojava) permettent d’imaginer l’articulation entre des systèmes d’organisation très locaux qui se fédèrent pour progressivement « vider l’État de ses prérogatives institutionnelles» – tout du moins ses dimensions les plus autoritaires et centralistes – et le remplacer par un système confédéraliste basé sur les principes de l’autogouvernement collectif et du commun..
Au final, la notion de communs qui semble constituer un des horizons de ces alter-territoires et nourrir une aspiration politique à l’autonomie et à la souveraineté collective. Pour « penser et vivre comme un.e commoneur.se », cela passe pour Frédéric Sultan (Remix the Commons) par une démarche d’éducation populaire revisitée, des « écoles des communs » sur les territoires, des dispositifs (patterns) de commoning qui permettent de produire de la valeur mais surtout de la conserver et de la réinvestir dans la communauté sous forme d’outils numériques open source, de documentation des pratiques (rencontres, ateliers) et de connaissance théorique (essais, wiki). Les enjeux de plaidoyer ou de changement d’échelle ne peuvent pas être dissociés de la question du comportement, de la manière dont on vit les choses et donc de la manière dont nous sommes éduqué.e.s.
Perspectives pour la suite : renforcer les alliances entre stratégies et entre secteurs
Tous ces témoignages en écho laissent entrevoir, depuis leur diversité, la consolidation d’une dynamique territorialisée de profondes transformations écologiques et sociales « en bas à gauche » à travers de nombreuses stratégies et tactiques. Ces diverses formes de transformations territoriales et de réappropriation du pouvoir sont encore peu visibles, relativement fragmentées. Ce qui requiert de continuer de multiplier les espaces d’échange d’expérience, de réflexions stratégiques communes, d’éventuelles mutualisations.
L’extrême gravité du contexte actuel renforce cet enjeu de nouvelles alliances. « On ne peut pas se payer le luxe de s’enfermer dans une pureté militante et renfermée sur ses objectifs » rappelle ainsi Julian Mierzejewski, de Grande Synthe. Laurent Jeanpierre appelle également à intensifier ce pluralisme stratégique, et également dépasser les silos sectoriels des différentes initiatives (alimentation, énergie, santé, éducation, etc). « Le local est instituant, le national institué donc il faut intensifier les champs et les alliances locales, mais aussi entre frontières de manière translocale.» La combinaison des tactiques, des formes de luttes et de politiques rend possible le changement. Cela implique de remplacer nos identités personnelles par un principe collectif agissant, à savoir « un nouveau sens du possible à conquérir collectivement. »
[1] Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce, 2019, Libertalia & aussi Socialter.
[2] https://fondationdaniellemitterrand.org/wp-content/uploads/2022/04/entretien-croise-mouvement-longomai-en-ukraine.pdf
[3] Julian Mierzejewski fait d’ailleurs référence à la notion de sweat equity, « l’équité par la sueur », utilisée aux USA pour qualifier et valoriser le travail bénévole