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Les Jummas, le peuple oublié

29.04.2016


Cet article est le premier de la série « France Libertés fête ses 30 ans »
Chapitre 2 : La biopiraterie au coeur des combats de France Libertés
Chapitre 3 : Le droit à l’eau pour tous, un engagement d’hier et d’aujourd’hui (1/2)
Chapitre 4 : Le droit à l’eau pour tous, un engagement d’hier et d’aujourd’hui (2/2)
Chapitre 5 : Racisme, discrimination et exclusion : 30 ans d’action
Chapitre 6 : Kurdistan, 30 ans de compagnonnage
Chapitre 7 : La défense des droits des peuples à l’autodétermination

Les Jummas, nom collectif donné aux onze peuples autochtones de la région des Chittagong Hill Tracts (CHT) au sud-est du Bangladesh sont ethniquement, culturellement et linguistiquement distincts du reste de la population du pays. Représentant près de 1 million de personnes, ils vivent sur leurs terres ancestrales dans les CHT.

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Entre 1979 et 1984, le gouvernement, considérant le territoire Jumma comme une terre vierge, a installé entre 350.000 et 450.000 Bengalis sans terre dans la région. La population bengalie a augmenté de 150% entre 1979 et 1991. La colonisation s’est accompagnée d’expulsions, d’incendies criminels et de violences à l’encontre des peuples autochtones. Les agressions sexuelles sur les femmes et filles Jummas ont notamment été un moyen pour terroriser les communautés et les obliger à quitter leurs maisons. Privées de leurs moyens de subsistance, les communautés n’ont toujours pas reçu de compensation pour la perte de leurs terres.

La résistance des Jummas à la colonisation a mené à une guerre contre l’armée bangladaise (années 1970-1997) qui a fait plus de 10.000 victimes. Pendant la guerre, le 6 octobre 1987, Henri Sagnier ouvre le journal de 20 heures sur France 2 :

Ce matin, à Paris, 72 enfants ont esquissé un premier sourire. C’est l’image de l’espoir… Depuis un an et demi, leur univers quotidien avait la forme d’un camp de réfugiés en Inde. Ce matin, des regards se sont portés sur eux. Ils connaissent à nouveau la chaleur d’une famille.

Ces 72 enfants sont des jeunes jummas de 6 à 15 ans. Ils vivaient auparavant dans les Chittagong Hill Tracts dans un orphelinat bouddhiste. En pleine guerre, les enfants et les moines ont été obligés de fuir en Inde. L’association Partage avec les enfants du Tiers-Monde qui parrainait cet orphelinat a beaucoup œuvré pour aboutir à cette solution. Elle a été soutenue par France Libertés. Ainsi, sa présidente, Danielle Mitterrand intervient à la télévision en octobre 1986, pour dénoncer le génocide dont sont victimes les populations jummas. L’aide du ministre des droits de l’Homme, Claude Malhuret a joué aussi un rôle décisif.

10 ans plus tard, en 1997, un accord de paix a été signé par la première ministre actuelle, Madame Sheikh Hasina.

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Il prévoyait :

1. le démantèlement des camps militaires non permanents dans les Chittagong Hill Tracts et la fin de la militarisation excessive de la région  ;

2. la restitution des terres confisquées aux Jummas par l’armée et les colons et l’arrêt immédiat du processus de colonisation  ;

3. une délégation de pouvoir aux institutions locales afin que les populations Jummas puissent jouir d’une plus grande autonomie politique.

 

Malheureusement, cet accord n’est pas respecté. Minoritaires, les Jummas subissent toujours des violations de leurs droits et ont difficilement accès à la justice pour les faire respecter. Le rapporteur spécial de l’Instance permanente sur les questions autochtones des Nations Unies Lars-Anders Baer a affirmé que les populations Jummas étaient victimes d’ « arrestations arbitraires, de tortures, d’exécutions, de harcèlement […] et de violences sexuelles ».

Les Jummas souffrent particulièrement de violences dans le cadre d’une militarisation excessive de leur territoire. D’après un rapport des Nations Unies, un tiers de l’armée bangladaise est positionnée dans les Chittagong Hill Tracts alors que la région ne représente qu’un dixième de la superficie du pays et 1% de sa population. En 2012, l’International Work Group for Indigenous Affairs (IWGIA) estimait qu’il y avait 1 soldat pour 40 civils dans les Chittagong Hill Tracts contre 1 soldat pour 1.750 civils dans le reste du pays.

Les Jummas, qui continuent d’être spoliés de leurs terres, sont aujourd’hui majoritaires dans la région mais sont devenus minoritaires dans le district de Bandarban et dans toutes les municipalités urbaines. Privés de leurs territoires et de leurs ressources naturelles, leurs activités traditionnelles comme la récolte, le pâturage, l’élevage ou la cueillette s’en trouvent affectées.

© Raja Devasish Roy
France Libertés et Survival ont accueilli le Roi des Chakma, l’un des onze groupes autochtones Jummas, en 2012 à l’occasion du quinzième anniversaire de la signature de l’accord de paix. Cette visite avait pour but d’attirer l’attention des médias sur la situation de ces peuples et sur le non-respect du traité de paix.
En 2015, sollicité par La Voix des Jummas, France Libertés a lancé une campagne internationale en partenariat avec plusieurs associations françaises (Le Groupe International de Travail pour les Peuples Autochtones – GITPA), Survival International France, ICRA International) et étrangères (International Council of indigenous peoples of CHT, Kapaeeng Foundation (Bangladesh), Jummanet Japon et la CHT Commission) pour dénoncer l’indifférence de la communauté internationale face aux violations des droits humains dont sont victimes les peuples Jummas du Bangladesh et l’impunité des auteurs de ces violations. Préoccupées par la dégradation de la situation des populations autochtones Jummas et la non application de l’Accord de paix, nous avons lancé une pétition pour défendre la paix dans les Chittagong Hill Tracts en attirant l’attention de l’opinion publique internationale, mais aussi d’hommes politiques et de personnalités publiques.

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Lancée à l’occasion de la Journée internationale de la Paix le 21 septembre 2015, nous avons récolté plus de 13000 signatures issues de 115 pays. La pétition, adressée à la Premier Ministre du Bangaldesh Madame Sheik Hasina qui avait signé en 1997 l’Accord de Paix, avait pour demandes principales de mettre un terme aux violations des droits de l’homme dans la région des Chittagong Hill Tracts et à honorer sa promesse en respectant pleinement les résolutions de l’Accord de paix de 1997.

Cette pétition a permis de mettre en avant la situation très préoccupante des Jummas et de mobiliser de nombreuses associations à travers le monde. Parmi les signataires, de nombreux Jummas et également plusieurs politiques français tel que Noël Mamère, parrain officiel de la  pétition, Emmanuelle Cosse, Danielle Auroi, Michel Lesage, Jean Glavany, Benoit Hamon  ou encore le roi et la reine Chakma, Lars-Anders Baer, l’ancien Rapporteur spécial de l’Instance permanente sur les questions autochtones des Nations-Unies, Laurie Fergusson, député Australien, Kuupik Kleist, ancien premier ministre du Groenland, etc.

Regardez les autres vidéos de personnalités qui soutiennent les Jummas

Le 12 avril 2016, nous avons été reçus par M. Hazrat Ali Khan, chef de la chancellerie et le vice-chef de mission de l’Ambassade du Bangladesh en France. France Libertés a pu réaffirmer ses demandes de respect de l’Accord de paix et interroger quant aux violations des droits humains des Jummas. La Voix des Jummas, Survival International France et Amar Chakma, un des 72 enfants adoptés en France en 1987, ont pu également partager leurs craintes et demandes et remettre les 13130 signatures.

France Libertés continuera à être attentif à la situation des Jummas dans les Chittagong Hill Tracts au regard du droit des peuples autochtones. Plus de 18 ans après la signature de l’Accord de paix, il est plus que temps d’enfin appliquer l’Accord de paix et mettre fin à l’impunité des violences commises contre les Jummas.