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Le « Village de l’eau » dans le marais poitevin

26.07.2024

Du 16 au 21 juillet 2024, au cœur du marais poitevin, dans la vallée de l’Argentière, s’est tenu le Village de l’eau dans la ville de Melle. Dans cet écrin de verdure, riche de sa biodiversité, plus de 30 000 personnes se sont retrouvées pour une semaine de rencontres internationalistes autour des luttes de défense de l’eau !

Une rencontre internationaliste des luttes de défense de l’eau

Organisé à l’initiative des collectifs Bassines Non Merci, des Soulèvements de la Terre, et du syndicat de la Confédération paysanne, le Village de l’eau s’est imposé comme un rendez-vous important de l’été pour tou·tes les acteurs et actrices du mouvement écologique. Débats, tables-rondes, festivités, et formations militantes, la vie sur le village s’est articulée autour d’une programmation particulièrement riche et diverse ! Autant de moments pour se rencontrer, consolider nos liens et se refaire le plein d’une belle et puissante énergie collective ! 

De nombreux temps d’échanges ont ainsi permis de faire un tour d’horizon des luttes paysannes et de défense de l’eau en France et dans le monde entier. Partout, l’écho des expériences faisait état de réalités préoccupantes : pollution des eaux, accaparement par l’agro-industrie, des États coloniaux ou des entreprises extractivistes, déforestation, bétonisation extensive des sols et construction de méga-projets destructeurs et bien sûr répression violente… Partout ce sont les mêmes logiques capitalistes et autoritaires de privatisation et d’appropriation de l’ensemble des éléments liés au bien commun du vivant. Toutefois, derrière chacune de ces réalités, des résistances surgissent. Devant chaque menace, des luttes émergent pour défendre l’eau, questionner ses usages et la partager avec l’ensemble du vivant.

La présence de dizaines d’activistes internationaux a enrichi ces échanges. En rappelant le caractère prédateur des relations entre les pays du « Nord global » et du « Sud global », leurs expériences ont mis en lumière la perpétuation de logiques néocoloniales intégrées dans le fonctionnement d’un système-monde mortifère. Venu·es du Brésil, d’Espagne, du Mexique, du Maroc, du Chili, de Palestine, du Liban, d’Inde, d’Allemagne ou encore du Rojava et de Kanaky, c’est un éventail de batailles paysannes et habitantes qui a ainsi été mis en lumière et des pistes communes d’alliances qui se sont dessinées.  

Plongé dans un contexte politique marqué par la montée des idées et des pratiques d’extrême-droite, ces rencontres politiques n’ont pas fait l’économie de réflexions collectives sur les manières de militer, de s’allier et de réinvestir depuis nos diverses luttes, l’antifascisme afin de faire front commun, partout dans nos territoires et dans la durée face à cette vague brune ! Au fil des échanges, des propositions de campagne d’action et de mobilisation ont émergé, notamment pour contrer l’influence néfaste de l’empire médiatique de Bolloré, instigateur d’une partie de la propagation des idées d’extrême-droite.  

Sources :

La Fondation au Village de l’eau : animation d’échanges, entretiens inspirants et partage de moments de joie

Au cours de cette semaine, la Fondation était présente pour animer différents temps d’échanges en articulant nos luttes écologistes pour l’eau avec les enjeux d’une position décoloniale. Nous avons également tenu tout au long de la semaine un stand aux côtés du réseau Hydre et du collectif Youth for Climate. 

Des tables rondes au croisement des luttes pour l’eau et des enjeux décoloniaux

Élément essentiel à la vie, l’eau est utilisée comme une arme géopolitique et un outil de domination coloniale dans de nombreux territoires. Tout comme les habitant·es du Rojava qui affrontent les restrictions d’eau imposées par l’État turc d’Erdogan, le peuple palestinien est confronté, depuis des années, à l’accaparement des eaux du Jourdain au profit du projet colonisateur de l’État d’Israël.

Pour expliciter cette situation, Mohammed Muhsen, professeur en géographie, a présenté les impacts sur les ressources hydriques des territoires palestiniens et les conséquences sur les activités de subsistance des habitant·es de la bande de Gaza et de Cisjordanie. Puits asséchés, confisqués ou détruits, érosion des sols, dépendance aux entreprises israéliennes de distribution de l’eau, augmentation indue des prix de l’eau, telles sont les réalités de cette guerre de l’eau menée au cœur de la Palestine. Comme l’a par la suite souligné, Antoine, juriste pour l’organisation Al Haq, ces actions représentent des violations claires des droits fondamentaux et du droit international dont se rend responsable depuis des années Israël. Complices de cette situation, nos États et entreprises nouent des alliances fructueuses avec des entreprises israéliennes : à Marseille, ce sont les technologies de désalinisation de l’eau de mer qui sont notamment échangées. De quoi donner des pistes concrètes d’actions pour créer une véritable convergence avec la lutte du peuple palestinien rappelle Anty, du collectif des Gammares. Merouan, membre de la ferme-école Buzuruna Juzuruna, dans la vallée de la Beeka au Liban, a partagé les résultats inspirants de leur initiative de conservation et d’échange de semences paysannes, originaires de la région, et de partage de pratiques agroécologiques, afin de (re)construire la solidarité paysanne et la souveraineté alimentaire des habitant·es de ces régions violentées par les conflits.

Dans la continuité de ces réflexions entre la défense de l’eau et les pratiques néocoloniales, une autre table-ronde s’est centrée autour des accords de libre-échange comme processus néolibéral d’assujettissement des paysan·nes à travers le monde et de destruction des systèmes de souverainetés alimentaires des peuples.

Ainsi, Morgan Ody, de la Via Campesina, ainsi que deux membres d’ATTAC, ont montré que les accords de libre échange encouragent la spécialisation des territoires, la monoculture intensive et favorisent les exportations internationales au nom de la baisse des prix. Cela rend de facto impossible la construction d’une souveraineté alimentaire, entendue comme processus d’autodétermination par les peuples eux-mêmes des productions sur leurs territoires. La violence de cette réalité s’est illustrée à travers le témoignage de Beatrice du Mouvement des Sans-Terre au Brésil. Comme ailleurs, l’agro-industrie est la gagnante de cet outil de la mondialisation néolibérale. Elle favorise les monocultures de soja transgéniques destiné aux biocarburants et au bétail en Europe et remplace les cultures de subsistance censées nourrir les habitant·es. Malgré la force de ce système, les peuples résistent et se mobilisent pour des relocalisations à la fois écologique et solidaire de l’élaboration de leur alimentation. De la Via Campesina à la Confédération paysanne, les propositions concrètes et applicables sont déjà là !

Enfin, Eloïse Berard, chargée du programme «Vivant et Commun(s) » a participé à l’Assemblée Générale de clôture de l’événement, pour rappeler l’intense processus de construction collective de tous ces échanges passionnants auquel la Fondation a pris part !

Mettre en lumière nos actions et celles de nos partenaires

Tout au long de la semaine, différents documents étaient mis à disposition des nombreuses personnes présentes ou de passage sur le village de l’eau. Brochures explicatives des liens entre la restauration des cycles de l’eau et les dérèglements climatiques, carte de l’histoire des actions de la Fondation en faveur du droit à l’eau, brochure du réseau Hydre, analyses d’écologie décoloniale de Youth for Climate, les contenus partagés étaient complémentaires et riches de leur diversité.

Prendre le temps d’être présent·es les un·es aux autres, s’écouter, se parler ou chanter ensemble. Se découvrir des motivations et des réalités partagées, apprendre et se former collectivement. Ralentir, faire l’expérience d’autres façons de vivre le temps qui passe. (Re)sentir les relations qui nous lient, découvrir un territoire par les sens et le partager avec l’ensemble de ses habitant·es vivant·es. S’autogérer et prendre soin….Pour tout cela, cette semaine de rencontres nous a permis de vivre la joie de prendre toutes et tous part à la transformation collective, celle d’habiter pleinement nos mondes, nos attachements et d’accepter d’en être bouleversé·es.