Deux ouvrages sur les peuples Jummas rejoignent notre librairie
13.06.2018
Paul Nicolas est professeur agrégé de géographie. Enseignant en lycée et à l’IUFM d’Aix-en-Provence, il a soutenu, en 2017, une thèse de doctorat de géographie sur la communauté Jumma de France et sur ses liens avec le Bangladesh. Il publie deux ouvrages, aux éditions L’Harmattan.
La fabrique d’une minorité
De nombreux États, aujourd’hui, sont en conflit violent avec une minorité. Celle-ci affirme souvent une longue histoire hors de l’État qui l’englobe et de fortes différences culturelles. Est-ce toujours le cas ? L’exemple des Jummas du Bangladesh, qui vivent dans la région des Chittagong Hill Tracts, permet d’analyser un autre processus de création d’une minorité.
À l’œuvre dans cette fabrique, le colonisateur britannique, le Pakistan puis le Bangladesh depuis 1971 : chacun a accaparé les richesses de ce territoire, sans y associer les populations autochtones. Cette mise à l’écart a été facilitée par l’image que ces acteurs ont construite de ces populations : pour les Anglais des tribus sauvages à isoler, pour les Pakistanais des peuples attardés rétifs au développement.
Dans les années 1980, ces peuples divers trouvent dans la lutte armée une unité et s’affirment comme Jummas. Ils s’opposent à l’arrivée planifiée de 400 000 colons bengalis, imposée par la force. Les rapports de domination ont donc eu un poids décisif. Peu de place donc, dans ce processus, pour les différences religieuses entre cette minorité d’un million de bouddhistes et la majorité musulmane du Bangladesh.
La fabrique d’une communauté transnationale
En 1987, 72 jeunes garçons jummas (minorité opprimée du Bangladesh) arrivent en France, exfiltrés des camps de réfugiés en Inde et placés dans des familles d’accueil. Trente ans plus tard, une communauté de près de 400 jummas ou Franco-jummas, en lien avec leur région d’origine, les Chittagong Hill Tracts au Bangladesh, existe en France.
Ce livre décrypte les étapes de la fabrique de cette communauté transnationale (liens renoués entre les 72 dispersés en France, voyages de retrouvailles avec les familles biologiques au Bangladesh, mariages des trois quarts d’entre eux avec des femmes jummas). Avec des récits de vie, une base de données quasi exhaustive du groupe et l’analyse de certains réseaux relationnels, l’auteur, immergé dans ce groupe, offre une analyse précise de leur intégration en France et des processus qui les ont conduits à l’établissement de liens transnationaux.
Il montre comment les 72, au carrefour de plusieurs catégories : migrants, exilés, réfugiés, enfants adoptés, ont construit un territoire commun, développé un sentiment d’appartenance à leur groupe d’origine et retrouvé des éléments de leur culture initiale.
- Éditions : l’Harmattan
- Collection: Logiques sociales