Fearless Cities renaît à Sheffield, dans le Nord de l’Angleterre
22.11.2024
Le mouvement Fearless Cities a fait son grand retour cette année, avec un sommet organisé à Sheffield, en Angleterre. Cet événement marque une étape importante dans la relance du municipalisme à l’échelle internationale, dans un contexte où les crises sociales, écologiques et politiques exigent des réponses audacieuses et innovantes. La Fondation Danielle Mitterrand a soutenu ce sommet en permettant à des militant·es européen·nes de s’y rendre et Margot Medkour, notre co-chargée de programme Alternatives démocratiques et communs, était présente pour la représenter.
L’histoire de Fearless Cities
En 2017 à Barcelone, Barcelona En Comú, fer de lance du mouvement municipaliste en Europe, a lancé le premier sommet Fearless Cities qui a réuni plus de 700 personnes représentant une centaine d’organisations municipalistes issues de tous les continents. Depuis, des rencontres ont été organisées dans des villes comme New York, Naples ou Valparaíso, rassemblant activistes, élu·es locaux et membres de mouvements de base. Fearless Cities Sheffield s’inscrit dans cette dynamique, offrant une plateforme pour renforcer les solidarités locales et internationales autour du municipalisme, de la démocratie locale et des communs.
Pourquoi Sheffield ?
Sheffield, ancien bastion de l’industrie métallurgique, incarne les défis des villes post-industrielles du Nord de l’Angleterre. Marquée par des décennies de politiques néolibérales et d’austérité, elle figure parmi les villes les plus pauvres du Royaume-Uni. L’effondrement des services publics, asphyxiés par les coupes budgétaires, illustre la profondeur de cette crise : plusieurs conseils municipaux ont même déclaré faillite. Le choix de Sheffield pour accueillir Fearless Cities n’est pas anodin. La ville a récemment été secouée par des émeutes racistes, lorsqu’un hôtel hébergeant des exilé·es a été attaqué par des centaines de militant·es d’extrême droite. Cet événement tragique a conduit à la création de SCARF (Sheffield Communities Against Racism and Fascism), un collectif antifasciste regroupant habitant·es et militant·es. Dans ce contexte, Fearless Cities a offert un espace pour réfléchir collectivement aux moyens de résister aux attaques racistes dans un contexte de montée de l’extrême et de construire des alternatives politiques à partir de nos villes.
Sheffield abrite également plusieurs initiatives inspirées par le municipalisme, notamment des campagnes et mobilisations pour réformer la gouvernance locale ou des organisations de solidarité alimentaire. Organiser un sommet Fearless Cities ici visait à renforcer ces dynamiques et à inspirer de nouvelles initiatives grâce à des exemples internationaux.
Une étape pour le Réseau Municipaliste Européen (EMN)
Avant même l’ouverture du sommet, la veille, une rencontre du Réseau Municipaliste Européen (EMN), soutenu par la Fondation Danielle Mitterrand, a rassemblé ses membres à Sheffield. L’objectif : renforcer les liens entre les membres existants, intégrer de nouvelles venues et planifier les prochaines étapes. Ces échanges ont permis de réaffirmer la volonté de construire des liens et des solidarités translocales, dans un contexte où les pays européens sont traversés par les mêmes phénomènes et difficultés politiques.
Des ateliers pour apprendre et s’organiser
Fearless Cities Sheffield a proposé une riche programmation d’ateliers, organisés autour de quatre grandes thématiques : “Prendre soin de nos quartiers”, “Futurs municipalistes”, “Repensons la gouvernance et la démocratie locale” et “Ré-imaginons nos communs”. Parmi ces ateliers, nous avons été invité·es à participer ou à assister à plusieurs discussions :
- “Lutter contre l’extrême droite” : cet atelier a commencé par la diffusion d’un film réalisé lors de rencontres de l’EMN à Naples en novembre 2023, Municipalist Chronicles #3: Cities Against Authoritarianism. A partir d’exemples illustrés dans le film et des expériences des invité·es, cet atelier a permis de croiser les expériences face à la montée de l’extrême droite en Europe. Maria-Francesca de Tulio a pu parler du contexte italien et de la stratégie des communs napolitains. David Pike, syndicaliste de Sheffield, a pu partager le rôle du syndicalisme dans la lutte contre l’extrême droite. Tandis que Shiri Shalmy, de Cooperation Town témoignait d’échecs d’occupation de la rue à travers des manifestations pour battre l’extrême droite et pensait qu’il fallait agir en amont en intégrant des lieux de sociabilité dans lesquels la gauche est absente, notamment à travers un travail social au sein des communautés. Margot a pu y parler du contexte français et des débats stratégiques au sein du camp progressiste. Le tout était animé par Teresa Lorena Machado, animatrice du Réseau Municipaliste Européen.
- “Des villes antiracistes” : Cet échange a exploré les manifestations du racisme d’un côté comme de l’autre de la Manche, notamment l’islamophobie en France et les émeutes racistes ayant frappé le Royaume-Uni cet été. Les participant·es ont partagé leurs réflexions et leurs pratiques pour construire des mouvements municipalistes véritablement antiracistes.
- “Comment organiser une assemblée démocratique” : Cet atelier a permis d’échanger sur les pratiques liées à l’animation d’assemblées démocratiques, les défis liés à la prise de décision collective et les pratiques pour rester des mouvements ouverts, en particulier aux personnes qui s’engagent pour la première fois.
- “L’avenir, c’est maintenant : des services publics gérés dans l’intérêt commun” : Cet atelier a abordé des campagnes en faveur de la renationalisation du rail ou la remunicipalisation de services publics comme les bus en Angleterre. Margot a pu partager des expériences menées par exemple par le Syndicat de la Montagne Limousine, pour montrer comme les communs peuvent être des préfigurations de services publics ou des contre-institutions qui contraignent les services publics à évoluer vers des communs, dans lesquels les usager·es ont une place centrale.
- “Comment construire un pouvoir municipal autonome” : Margot a également eu l’occasion d’intervenir pour partager des stratégies mises en œuvre en France pour construire des contre-pouvoirs municipaux : syndicats de locataires, communs autonomes comme les ZADs, ou encore campagnes électorales servant à soutenir les luttes locales.
Ces ateliers étaient une occasion précieuse de partager des expériences concrètes et des questionnements stratégiques pour renforcer le municipalisme à travers des initiatives locales solidaires et interconnectées.
Une étape dans la relance du municipalisme européen
Fearless Cities Sheffield a permis d’échanger sur les pratiques et les stratégies pour faire face à des crises globales à partir de dynamiques municipalistes locales, à condition qu’elles soient liées les unes aux autres. Le sommet a également posé les bases de futures collaborations avec l’écosystème britannique, à commencer par celui de Sheffield. Dans le sillage du Fearless cities, une nouvelle réunion se tenait lundi 9 décembre pour mieux comprendre le municipalisme et Fearless cities : les discussions se poursuivent, le travail continue pour construire un mouvement municipaliste puissant en Europe, capable de répondre aux défis de la nouvelle donne politique !