Au Chili, un monstre de déchets miniers détruit la vie et l’agriculture locales
20.02.2019
Elif Karakartal, observatrice de la Fondation France Libertés à Caimanes au Chili et réalisatrice du webdoc Caimanes, chronique d’un territoire sacrifié, publie un article sur le barrage de déchets miniers El Mauro, en écho aux ruptures de barrages miniers qui touchent le Brésil.
El Mauro, au Chili, est le plus grand réservoir de déchets miniers d’Amérique latine. Ses boues toxiques menacent le village voisin de Caimanes, sans que rien ne soit fait pour prévenir les risques. Un cas d’école de l’impunité dont bénéficient les compagnies minières.
La rupture d’un barrage minier à Minas Gérais, au Brésil, le 25 janvier 2019 a provoqué la mort d’au moins 160 personnes. Trois ans plus tôt, une catastrophe semblable avait eu lieu dans la même région : des coulées de boue toxique avaient détruit un village et l’écosystème du Rio Doce jusqu’à polluer l’océan Atlantique. L’accélération de projets extractivistes et leur gigantisme [1] entraînent des conséquences graves et des désastres dans le monde entier. Le cas du Mauro, au Chili, le plus grand réservoir de déchets miniers d’Amérique latine, fait écho à la catastrophe minière du Brésil.
Les déchets miniers sont les sous-produits de l’extraction des métaux. Tandis que les métaux purifiés sont commercialisés, leurs résidus, eux, restent. Composés de roches moulues, de métaux lourds et produits chimiques, ils sont stockés dans d’immenses réservoirs au milieu de la nature [2]. Au Chili, le réservoir du Mauro qui reçoit les déchets d’une des plus importantes mines de cuivre du pays, Minera Los Pelambres (MLP), appartenant à la multinationale Antofagasta Minerals, a été construit à 60 km du gisement minier et dispose d’une très large superficie [3] pour recevoir les déchets.
Aux habitants du village de Caimanes, situé à 8 km en contrebas de Mauro, MLP a vanté les qualités du projet au début des années 2000 : plus question de déchets miniers ni de pollution mais de développement et de travail, pas d’effet sur l’eau ni de mise en danger. Ce projet fut même présenté comme une vaste opération de revalorisation du patrimoine archéologique. Aujourd’hui, le réservoir du Mauro à l’allure d’une immense étendue d’eau blanchâtre encastrée dans les montagnes. Il accumule plus de 1.714 millions de m3 de tonnes de déchets miniers. C’est le troisième plus grand réservoir de déchets miniers du monde.
Au Chili, les opérations de construction du Mauro ont bloqué la circulation des eaux. « Des 35 affluents inscrits dans ce secteur, 28 se sont asséchés en trois mois et l’eau n’a plus été suffisante ni pour irriguer, ni pour boire, ni pour les animaux, témoignait ainsi un habitant dans le documentaire Le Chantage à l’eau. Ils ont asséché les nappes qui alimentaient les affluents qui nous donnaient de l’eau. » Outre le tarissement, des analyses ont montré la pollution des nappes. Agriculteurs et éleveurs ont perdu leurs activités et nombre d’entre eux n’ont eu d’autres choix que d’occuper des sous-emplois pour MLP. « Avant, tout le monde cultivait ici, racontait un paysan en 2016. L’année où ils ont commencé à construire le mur de contention du réservoir, l’eau a commencé à disparaître. Moi, je semais des haricots, des pommes de terre, j’ai dû tout arrêter. »