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Tribune « Après la chute d’Assad, protégeons la révolution syrienne, les Kurdes et les minorités pour une Syrie libre, pluraliste et démocratique »

20.12.2024

A l’initiative de la Fondation Danielle Mitterrand, plus de 150 responsables d’organisation, syndicalistes, député.es, maires, chercheur.euses, réalisateur.ices, humanitaires, artistes, avocat.es, etc ont signé cette tribune de soutien à la révolution syrienne, au Kurdes et aux minorités pour construire une Syrie libre, pluraliste et démocratique
Cette tribune paraît simultanément sur Bastamag, Mediapart, Terrestres et Lundi Matin

Après la chute d’Assad, protégeons la révolution syrienne, les Kurdes et les minorités pour une Syrie libre, pluraliste et démocratique.

Le régime dictatorial de Bachar al-Assad s’est effondré le 8 décembre 2024 après une offensive foudroyante menée par une coalition de rebelles islamistes dominée par le groupe Hayat Tahrir al Sham (HTS). C’est la fin d’un régime parmi les plus sanguinaires au monde.

En plus de 54 ans, la domination du clan Assad sur le peuple syrien a entraîné près d’un million de morts, plus de 13 millions de déplacé·es et réfugié·es, des centaines de milliers de disparu·es et torturé·es, l’utilisation d’armes chimiques contre son peuple, un narcotrafic massif, entre autres horreurs. Clé de voûte de ce système tortionnaire et mafieux qui revendiquait de « brûler » son propre pays, la prison de Sednaya : un « abattoir humain » où le régime a fait disparaître plusieurs dizaines de milliers d’opposant·es, certain·es dans des bains d’acide. 

L’offensive militaire des factions rebelles du Nord et du Sud n’aurait pas pu s’imposer si elle n’était pas portée à la fois par l’état de décrépitude du régime et par une aspiration populaire immense pour en finir avec le « boucher de Damas ». D’Alep jusqu’à Soueïda et Deraa, la chute du régime est avant tout un prolongement de la révolution populaire syrienne déclenchée en 2011 dans la vague des « Printemps Arabes ». Elle revendiquait une Syrie libre, démocratique et pluraliste, avant d’être étouffée par une guerre déchirant le pays et instrumentalisée par de nombreuses puissances. Ce sont les enfants des révolutionnaires qui sont venus « compléter l’histoire » en libérant les villes où ils ont grandi

Affirmant leur dignité, ils sont sortis des limbes du « royaume du silence » où la communauté internationale les avait relégués. Car en Occident la révolution syrienne a souvent été ignorée, incomprise voire calomniée au nom d’un soi-disant « anti-impérialisme » du régime de Bachar al-Assad qui permettrait de relativiser ses crimes contre l’humanité, de fausses idées selon lesquelles le peuple révolutionnaire syrien n’était composé que de djihadistes ou instrumentalisé par la CIA, et de la persistance d’une vision orientaliste méprisante déniant aux habitant·es de la région la capacité d’être acteurs·ices de leur histoire. 

Nous rendons hommage à la révolution syrienne. Pendant plus de 13 ans elle a persisté envers et contre tout : à travers des réseaux d’exilé·es poursuivant la lutte dans le monde entier, des activistes des droits humains infatigables compilant les preuves des crimes du régime, des militant·es transmettant la mémoire des Conseils civils locaux et des expériences d’auto-organisation de la période 2011-2013, des manifestations contre le régime qui continuaient chaque année à Idlib et récemment à Souïeda… Par-delà des souffrances inimaginables, les révolutionnaires syrien·nes n’ont jamais abdiqué leur dignité.

Ce qui semblait impossible est devenu possible et réel. Dans les berceaux de la révolution de Homs et Deraa, de Damas à Alep, de Raqqa à Hassakê, mais aussi dans la plaine de la Bekaa au Liban, dans les villes de Turquie et jusqu’à Berlin et Paris, le drapeau à trois étoiles flotte sur les places, les bâtiments publics et les ambassades. Dans les manifestations à nouveau autorisées, le peuple chante « Uni, uni, uni, le peuple syrien est uni ! » dans un torrent d’émotions. 

Défendre les minorités, les Kurdes, et le projet de l’AANES

Malgré cela, la Syrie est encore loin d’être libérée, ses habitant.es loin de pouvoir s’autodéterminer sereinement. La nouvelle étape est lourde de menaces et la prudence est maximale. Malgré le retrait militaire en cours de la Russie et de l’Iran, dont les massacres ont permis de sauver le régime, la guerre continue et les puissances étrangères cherchent toujours à pousser leurs pions.

L’armée israélienne bombarde intensément le pays et poursuit son invasion du plateau du Golan. Dans ses poches du désert et dans la prison de Hol surveillée par les Forces Démocratiques Syriennes sous encadrement kurde, des milliers de djihadistes de l’État Islamique attendent de profiter du chaos. Malgré les discours pour l’heure modérés du HTS, dont une partie des cadres est passé par Al Qaeda, la protection des nombreuses minorités (Chiites, Druzes, Chrétien·nes, Yézidis, Kurdes, Syriaques, etc) est menacée. Une prudence maximale est requise. Il n’est pas exclu que le HTS cherche à affirmer un autoritarisme islamiste sur tout le pays d’ici quelques mois, une fois son pouvoir consolidé, sorti de la liste terroriste et de l’isolement diplomatique.

En particulier, le sort des Kurdes et de l’Administration Autonome du Nord et de l’Est de la Syrie (AANES) est sous urgence vitale. La Turquie nationaliste, aux ambitions néo-ottomanes, veut devenir le parrain du nouveau pouvoir syrien. Sous son contrôle, des milices de la soi-disante « Armée Nationale Syrienne » attaquent les FDS et ciblent en particulier les territoires kurdes. Après l’occupation de Afrin en 2018, les attaques de 2019 entre Tell Abyad et Ras Al Aïn, ayant déplacé des centaines de milliers de personnes, et les bombardements d’infrastructures et d’habitant.es dans les dernières années, c’est toute la région qui est menacée de disparaître.

Depuis deux semaines, à Tell Riffaat puis à Manbij, des dizaines de milliers de personnes ont déjà été déplacées. C’est maintenant la ville de Kobanê, prise en étau, qui peut être attaquée d’une heure à l’autre. Après avoir résisté de manière acharnée contre l’État Islamique en 2015, reprenant l’offensive jusqu’à défaire le califat, les habitant·es font face à des milices composées d’ancien·nes djihadistes qui pratiquent nettoyage ethnique, pillages, viols et autres exactions documentées par l’ONU. De nombreux habitant·es fuient déjà. L’alliance contre Daech, qui a commencé à Kobanê il y a 10 ans, pourrait maintenant y mourir.  

Les Kurdes ne peuvent pas être une variable d’ajustement, traités par la communauté internationale comme des partenaires anti-terroristes utiles quand c’est arrangeant et sacrifiables quand la situation change. La Turquie et ses supplétifs de l’ANS doivent cesser les agressions et se retirer complètement du pays. Les populations kurdes, qui sont 2,5 millions et représentent près de 12% des habitant·es de Syrie, doivent être protégées, comme toutes la mosaïque de peuples et de confessions qui habitent dans la région. L’Administration Autonome du NES, qui a démarré par l’expérience d’autonomie du Rojava dans les zones kurdes à partir de juillet 2012 avant de s’étendre aux zones arabes de Raqqa et Deir ez Zor après la guerre contre Daech, doit être soutenue. Elle ne doit plus être méprisée comme un « gadget du PKK » comme le fait la Turquie. Elle doit être considérée comme porteuse d’un projet politique légitime avec qui le nouveau pouvoir de Damas doit négocier pacifiquement pour construire la Syrie future avec toutes ses composantes, en faisant cesser le feu durablement dans tout le pays.

En dépit de ses difficultés et contradictions inévitables dans un contexte aussi dur, les principes constituants de l’AANES – pluralisme linguistique et ethnique, autogouvernement et démocratie locale, droits des femmes, économie sociale – font écho à certains idéaux et pratiques de la révolution syrienne, marquée par le développement de Conseils civils locaux dans tout le pays à ses débuts. A partir des peuples qui les font vivre, le projet de l’AANES et les aspirations de la révolution syrienne peuvent servir de point d’appui pour la transition vers une Syrie démocratique, pluraliste, basée sur la justice et le droit, garantissant les droits de toutes les communautés.

Nous appelons la France et la communauté internationale à :

  • Exiger le retrait des forces d’occupation étrangère du pays, en particulier la Turquie et Israël, pour permettre au peuple syrien la possibilité d’enfin s’autodéterminer et aux minorités d’être protégées.

  • Soutenir les efforts de transition pacifique, basée sur la justice, le droit et la prise en compte des aspirations de toutes les composantes du peuple syrien, en respectant ses minorités et les catégories les moins protégées de sa population.

  • Se mobiliser pour défendre Kobanê, mais aussi le Golan et toutes les régions menacées d’être envahies à court-terme.

  • Exiger la restitution des régions historiques kurdes, et notamment Afrin, illégalement occupées par des milices appuyées par la Turquie depuis 2018, et l’arrêt de toute forme de nettoyage ethnique.

Liste des premier·es signataires

  • Tuna Altinel, mathématicien
  • Dilane Aydin, avocate 
  • Geneviève Azam, essayiste et administratrice de la Fondation Danielle Mitterand
  • Pouria Amirshahi, député de Paris
  • Paul Aries, politiste
  • Sahar Bagheri, chercheuse Université Sorbonne Paris Nord
  • Pierre Bance, docteur d’Etat en droit
  • Antoine Back, adjoint au maire de Grenoble
  • Zerrin Bataray, avocate et conseillère régionale AURA
  • Matthieu Bellahsen, psychiatre et écrivain
  • Olivier Besancenot, NPA L’Anticapitaliste
  • Jérôme Bonnard & Ophélie Gath, co-secrétaire de l’Union Syndicale Solidaires
  • Dominique Bourg, professeur honoraire
  • Jacques Boutault, maire adjoint Paris centre
  • Laurence Boffet, vice-présidente Métropole de Lyon
  • Léa Balage el Mariky, députée de Paris
  • Jean-François Billion, président de Presse Fédéraliste
  • Sébastien Brunel, dessinateur
  • Michèle Boyer Carcenac, géographe
  • Remi Carceles, doctorant
  • Adnan Celik, MCF EHESS
  • Nara Cladera Benia, co-secrétaire fédérale Sud Education
  • Jérémie Chomette, militant associatif
  • Laurence Cohen, sénatrice honoraire
  • Albane Colin, conseillère régionale AURA
  • Sergio Coronado, ancien député
  • Alain Coulombel, bureau exécutif des Ecologistes
  • Sébastien Choupas, conseiller municipal Aouste-sur-Sye
  • Renaud Daumas, conseiller régional
  • Philippe Descola, professeur émérite
  • Fanny Dubot, maire du 7ème arrondissement de Lyon
  • Chris den Hond, journaliste
  • Eléanore Dellatouche, Intérêt à Agir
  • Vincent d’Eaubonne, chercheur écoféministe
  • Pierre Dardot, chercheur
  • Françoise Davisse, réalisatrice
  • Huseyin Salih Durmus, humanitaire volontaire
  • Umit Dogan, doctorant
  • Véronique de Geoffroy, directrice du Groupe URD
  • Marie Didier, écrivain
  • Mireille Fanon Mendès France, présidente de la Fondation Frantz Fanon
  • Eric Fassin, professeur de sociologie
  • Jacques Fontaine, enseignant géographie
  • Rémi Féraud, sénateur de Paris
  • Jean-Yves Gallas, président du Mouvement de la paix
  • Aline Guitard, adjointe au maire de Lyon
  • Olivier Grojean, maître de conférence en sciences politiques
  • Jean-Luc Gautero, maître de conférence émérite en philosophie des sciences
  • Franck Gaudichaud, historien chercheur
  • Dominique Gambini, réalisateur
  • Aurélien Gabriel Cohen, chercheur et éditeur
  • Christine Garnier, adjointe au maire de Grenoble
  • Daniel Guerrier, journaliste honoraire
  • Jean Glavany, ancien ministre
  • Barbara Glowcewski, directrice de recherche émérite
  • Agnès Golfier, directrice opérationnelle de la Fondation Danielle Mitterrand
  • Nils Guyot, Solidarités Jeunesses
  • Hélène Hardy, membre du bureau des Écologistes
  • Nicolas Haeringer, militant climat
  • Laetitia Hamot, maire de La Crèche
  • Jean-Marie Harribey, économiste
  • Christine Helot, professeur émérite
  • Seve Izouli, avocate
  • Boris James, maître de conférences
  • Anna Jambon, présidente de l’Union Culturelle Française des Arméniens de France
  • Edouard Jourdain, chercheur
  • Benjamin Joyeux, conseiller régional AURA
  • Baudoin Jurdant, professeur émérite
  • Roseline Kisa, co-présidente de France Kurdistan
  • Pierre Khalfa, économiste Fondation Copernic
  • Nicole Kahn, UFJP
  • Thierry Lamberthod, président des Amitiés Kurdes de Rhônes-Alpes
  • Lydia Labertrandie, conseillère municipale de Cesson
  • Annie Lahmer, conseillère régionale
  • Amaury Lambert, professeur des universités
  • Renaud Lawryn, commission internationale de Sud Education
  • Michèle Leclerc-Olive, présidente de CORENS
  • Christian Laval, professeur émérite de sociologie
  • Zoé Lorioux-Chevalier, conseillère municipale de Poitiers
  • Christian Mahieux, syndicaliste Sud Rail et réseau syndical international de solidarité et de luttes
  • Benoît Massin, universitaire
  • Fabienne Messica, sociologue
  • Céline Meresse, présidente du CRID
  • Roland Mérieux, co-président de Ensemble!
  • Myriam Matonog, vice-présidente LDH Lyon
  • Daniel Marcovitch, ancien député de Paris
  • Jacqueline Madrelle, présidente de France Libertés Gironde
  • Julie Maurel, collectif pour Romans
  • Renée Mignot, présidente du MRAP
  • Halima Menhoudj, adjointe au maire de Montreuil
  • Pascale Mitterrand, membre du CA de Fondation Danielle Mitterrand – France Libertés
  • Gilbert Mitterrand, président de la Fondation Danielle Mitterrand
  • Corinne Morel-Darleux, écrivaine et administratrice de la Fondation Danielle Mitterrand
  • Léonore Moncond’huy, maire de Poitiers
  • Aminata Niakaté, conseillère de Paris
  • Jean-Claude Oliva, EPT Est Ensemble
  • Josiane Olff Nathan, vice-présidente de la Fondation Paul K. Feyerabend
  • Aline Pailler, ex-députée européenne et journaliste
  • François Pallus, charpentier
  • Jean-François Pellissier, porte-parole d’Ensemble!
  • Chiara Pistocchi, enseignante
  • François Piquemal, député de la Haute-Garonne
  • Alessandro Pignocchi, dessinateur de BD
  • Martial Passi, secrétaire national du Mouvement de la Paix
  • Delphine Petit, porte-parole du Collectif de Solidarité avec le Peuple Kurde
  • Eric Piolle, maire de Grenoble
  • Marie Pochon, députée de la Drôme
  • Gilles Poux, maire de la Courneuve
  • Raymonde Poncet Monge, sénatrice
  • Sahin Polat, co-président du Conseil Démocratique Kurde de France
  • Sylvie Poupet, conseillère fédérale Les Ecologistes
  • Serge Quadruppani, écrivain et traducteur
  • Sandra Regol, députée du Bas-Rhin
  • Sandrine Rousseau, députée de Paris
  • Philippe Rio, maire de Grigny
  • Tony Rublon, président des Amitiés Kurdes de Bretagne
  • Richard Sadok, président d’association Un Jour la Paix
  • Francis Sitel, co-directeur de Contretemps
  • Daniel Salmon, sénateur
  • Marie-Hélène Saller, scénariste
  • Edouard Soulier, NPA
  • Engin Sustam, maître de conférences
  • Faysak Taskiran, secrétaire de l’Union des étudiants kurdes en Europe
  • Hélène Trachez, conseillère de Paris
  • Pascal Troadec, maire adjoint de Grigny
  • Stéphane Trouille, vidéaste
  • Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes
  • Pascal Torre, co-président de France Kurdistan et Coordination nationale solidarité Kurdistan
  • Marylise Tourneur, professeure
  • Huseyin Ungur, doctorant et membre du Centre de Solidarité avec les Universités du NES
  • Marie-Christine Vergiat, LDH
  • Pedro Vianna, poète et homme de théâtre
  • Margaux Vidal, secrétaire fédérale affaires étrangères PS
  • Vincent Vergone, sculpteur et metteur en scène
  • Brigitte Vaisse, adjointe au maire de Thionville
  • Olivier Weber, écrivain, grand reporter, ancien ambassadeur
  • Refet Yalcin, ingénieur
  • Youlie Yamamoto, Porte-parole d’ATTAC
  • Sonia Zdorovtzoff, adjointe au maire de Lyon

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