Alexis Tiouka appelle à reconnaitre les droits des peuples autochtones
25.10.2017
Témoignages autochtones [4/4]
10 ans après l’adoption de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones par les Nations unies, où en est-on ? Alexis Tiouka témoigne.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (la DNUDPA) a été adoptée par l’Assemblée Générale des Nations unies le 13 septembre 2007, après 25 ans de négociations entre les États, les acteurs internationaux et les peuples autochtones eux-mêmes. Ce texte est devenu la référence de l’ONU pour le respect des droits des peuples autochtones. Il affirme leur droit à l’autodétermination, au choix de leur développement, à la sécurité de leurs terres, ressources naturelles et savoirs traditionnels.
Par sa nature-même de « déclaration », ce texte est porteur d’une force morale mais n’a pas de valeur juridique contraignante. Il est donc difficile d’inciter les États récalcitrants à l’appliquer.
En 2017 sont célébrés les dix ans de l’adoption de la DNUDPA. France Libertés laisse la parole aux autochtones, les mieux à même de témoigner des avancées obtenues par la Déclaration et des combats qui restent à mener.
Alexis Tiouka est né au village kali’na d’Awala, en Guyane française, en 1959. Son prénom résulte de l’interdiction faite à ses parents de lui en donner un amérindien. Il a étudié le droit à Genève et se bat depuis les années 1980 pour les droits des peuples amérindiens de Guyane, notamment en les représentant dans les discussions aux Nations Unies par le biais de la Fédération des organisations autochtones de Guyane. Il a également pris part au groupe de travail pour la création d’une instance permanente sur les questions des peuples autochtones. Tout récemment il a été particulièrement actif dans les négociations avec les autorités publiques suite à la mobilisation de mars-avril 2017 en Guyane afin de réaffirmer les revendications autochtones.
Alexis Tiouka souligne l’importance de la dimension internationale de la DNUDPA car, même si les Amérindiens ne sont qu’une minorité en Guyane, « à l’échelle de l’Amazonie, du continent sud-américain et du monde entier, les autochtones sont nombreux et ils sont confrontés à des problèmes qui se ressemblent ».
La France est l’un des pays signataire de ce texte. Cette signature symbolise un accord sur le principe avec les droits posés dans cette déclaration. En montrant ainsi son adhésion, elle empêche un potentiel retour en arrière. Malgré tout, Alexis Tiouka rappelle que les peuples autochtones ne sont toujours pas reconnus en tant que tels en France : « Ce que nous demandons à la France, c’est de reconnaître une antériorité d’occupation du territoire. On lui demande de reconnaître que l’on a subi une colonisation alors que l’on avait notre propre organisation sociale et politique ». Ces revendications ne sont pas incompatibles avec la Constitution française, malgré le discours tenu par le gouvernement depuis plusieurs années. En effet, Alexis Tiouka s’appuie sur le rapport de février 2017 de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme qui affirme que « le principe d’indivisibilité de la République est compatible avec la reconnaissance des droits individuels et collectifs des peuples autochtones ».
Et cette reconnaissance ne pourrait être selon lui que bénéfique aux non-autochtones. En effet, de nombreux sujets tels que la co-administration, les langues maternelles, savoir-faire traditionnels, propriété intellectuelle… ne concernent pas que les peuples autochtones. Ces questions, et les réponses que les peuples autochtones y apportent, « peuvent intéresser tous les Guyanais, et au-delà même de la Guyane, tous les habitants du monde. »
Alexis Tiouka appelle urgemment à reconnaitre les droits des peuples autochtones. La situation de beaucoup d’entre eux est critique. Les habitants du Haut-Maroni (Guyane), par exemple, sont empoisonnés par le mercure de l’orpaillage illégal, alors même que son utilisation est interdite depuis 2006, et les services de santé dispensés sont loin d’être suffisants. « Parce que nous sommes Amérindiens, parce que certains d’entre nous vivent dans des villages isolés, sur les fleuves, nous n’aurions pas droit au même traitement que les autres citoyens ? » dit-il. Et de conclure : « Nous n’avons pas le même accès à la santé que les autres citoyens français ».