
(Re)vivez la soirée de remise du prix Danielle Mitterrand 2025 !
18.12.2025
Le Prix Danielle Mitterrand 2025 a été remis lors d’une soirée exceptionnelle à l’Académie du Climat rassemblant, plus de 200 personnes autour des résistances démocratiques au Kurdistan du Nord. Cette rencontre restera marquée par la présence de Ruken Ay Adin, Bisar Icli, Serra Bucak, Dogan Hatun, et de Gultan Kisanak, pour son premier voyage en France depuis sa libération après de longues années d’emprisonnement. Une rencontre inédite, rythmée par le partage de leurs expériences inspirantes et des témoignages de solidarité que vous pouvez (re)vivre dès à présent !
Des messages poignants de résilience et de résistance
Emmenée par Eloise Bérard et Pierre Bonneau, la soirée s’est ouverte dans l’émotion, à la mémoire des militantes kurdes assassinées en plein Paris en 2013 : Sakine Cansız, Fidan Doğan et Leyla Şaylemez. Après le mot de bienvenue d’Agnès Golfier, co-directrice de la Fondation, Corinne Morel-Darleux, administratrice de la Fondation, a rappelé combien la venue de cette délégation constitue une source d’inspiration précieuse face à la montée des autoritarismes partout dans le monde !
Ancienne co-maire d’Amed (Diyarbakir) et figure emblématique de la résistance kurde, Gultan Kisanak, emprisonnée de 2016 à 2024, a offert ses premiers mots à Sakine Cansiz et ses camarades. Après cet hommage vibrant, elle a rappelé que la force des résistances et des alternatives menées au cœur des communes kurdes réside dans l’engagement déterminée du peuple. Un peuple uni, qui, face aux violences systématiques de l’État turc — déportations, massacres, emprisonnements — n’a jamais cessé de défendre sa liberté et son autonomie. L’émotion dans la salle est palpable.
Dogan Hatun et Serra Bucak, co-maires d’Amed depuis 2024, ont ensuite pris la parole pour dénoncer la mise sous tutelle des municipalités kurdes et les confiscations antidémocratiques imposées par l’État turc. Depuis 2016, celui-ci mène des vagues massives de destitution d’élu·es, remplacé·es par des kayyums, des administrateurs nommés par l’État. Malgré cette répression, ils ont témoigné des luttes locales menées pour continuer à faire vivre la démocratie avec l’appui constat du mouvement social.
« La terre est notre terre, le peuple est notre peuple, mais son gouvernement nous a été enlevé » Dogan Hatun, co-maire d’Amed
L’intervention de Ruken Ay Adin, membre du Mouvement des Femmes Libres (TJA), a ensuite souligné combien la lutte des femmes est importante au sein du projet politique kurde. Qu’il s’agisse de défendre leurs droits, leur autonomie ou de participer à la construction d’un avenir de paix juste au Kurdistan, les femmes s’organisent, créent, résistent et portent un horizon d’émancipation.
« Quand l’Etat turc a fermé nos associations de femmes, nous les avons réouvertes pour continuer à lutter contre le patriarcat » Ruken Ay Adin, membre du TJA
Enfin, Bisar Içli, du Mouvement Écologique Mésopotamien, a présenté une analyse forte de l’utilisation de l’eau comme arme de guerre par la Turquie. En construisant des barrages, l’État turc inonde des villages et accapare l’eau destinée aux cultures des paysans au Kurdistan du Nord tandis que les habitant·es et les terres en Irak et au Nord et à l’Est de la Syrie se retrouvent assoiffé·es et privé·es d’électricité.












Une solidarité historique et une reconnaissance bien présente
Gilbert Mitterrand et Jacqueline Madrelle, président et vice-présidente de la Fondation, ont exprimé leur profonde reconnaissance aux lauréat·es, saluant leur courage, leur détermination et leur capacité à construire une société plus juste, plus démocratique, plus égalitaire et écologique du Kurdistan du Nord au Rojava et Nord-Est de la Syrie ! Après un rappel de l’histoire qui unit Danielle Mitterrand au peuple kurde, présenté par Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris, le prix est remis aux lauréat-es sous les applaudissements de la salle, tandis que résonnent les mots puissants de « Jin, Jiyan, Azadi ».








Des résonances concrètes depuis nos réalités
La suite de la soirée, animée par Margot Medkour, a permis de faire dialoguer ces expériences avec des luttes et des initiatives menées en France, montrant combien les dynamiques portées par le mouvement kurde résonnent avec nos réalités et peuvent nourrir nos engagements sur nos territoires.
Sylvain Griffault, maire de la ville de Melle (Deux-Sèvres), élu avec une liste « citoyenne et solidaire », a témoigné de la manière dont une municipalité peut devenir un outil de résistance politique. Du soutien aux mobilisations contre les méga-bassines à l’accueil des personnes réfugiées, il a rappelé que les communes françaises, à l’image des communes kurdes, peuvent être des lieux refuges et des espaces d’appui et de soutien précieux pour les acteur·ices des mouvements écologiques et sociaux, même dans un contexte de fortes pressions politiques.
Les échos se sont poursuivis avec le témoignage d’Hemuli, membre du réseau Hydre, qui a souligné combien les politiques d’accaparement et de privatisation de l’eau en France — par l’agro-industrie, les entreprises d’embouteillage ou encore des groupes technologiques comme STMicroelectronics à Grenoble — relèvent d’une logique de dépossession des habitant·es. Face à la force des expériences menées au Kurdistan du nord, elle rappelle qu’elles « nous invitent, pour les échéances électorales qui arrivent, à investir les espaces existants de la manière la plus stratégique possible, en s’articulant avec les mouvements de lutte de manière fine, comme vos luttes longues nous y inspirent. »
Ombelyne Dagicour, première adjointe à la mairie de Poitiers et porte-parole de Fréquence Commune a ensuite partagé les initiatives de la ville pour promouvoir une démocratie locale participative et inclusive. « D’abord avec l’exigence de partager le pouvoir entre nous, entre élu·es, pour sortir de ce présidentialisme très masculin dans ses codes. Et puis de redonner du pouvoir aux habitant·es […] leur permettre de dire : nous sommes là, nous avons le droit de porter des sujets importants ».
Cette dynamique a trouvé un écho fort dans l’intervention d’Almamy Kanouté, militant engagé dans les quartiers populaires, et membre de l’Assemblée des quartiers. Ses mots ont mis en lumière l’importance du pouvoir habitant comme réponse directe à la confiscation et à la professionnalisation de la politique. « Votre parcours, vos expériences nous rassurent. Quand nous avons compris que des hommes et des femmes se permettent de parler en notre nom et de penser à notre place, nous avons décidés de dire stop. L’éducation populaire, la sécurité, l’écologie, la santé : c’est à nous de les prendre en main. On décide d’agir pour ne plus subir. […] Vous êtes la preuve vivante que c’est possible de se prendre en main et de faire les choses ensemble dans le respect de la démocratie ! »
Enfin, Somayeh Rostampour, militante féministe internationaliste au sein du collectif Roja a insisté sur la nécessité de poursuivre la construction d’un internationalisme populaire, porté par en-bas, par les peuples et les opprimé·es. « C’est ce que porte cette délégation : affirmer que malgré les conditions difficiles, malgré la guerre, malgré l’autoritarisme et la répression, le colonialisme et le capitalisme, il est possible bien sûr de bâtir une résistance collective. Leur message est clair : un autre monde est possible ».
En écho à cet appel à la résistance et à la paix, Berivan Firat, porte-parole du Conseil démocratique kurde de France (CDK-F) a conclu ce temps par un appel à soutenir depuis la France, le processus de paix en cours au Kurdistan du Nord. La soirée a ensuite pris fin en beauté, au rythme des chants interprétés par Piya Coline Özçelik accompagnée à la flûte par Yiğit Mengüverdi.
Moment d’engagement et de partage, cette soirée a été l’occasion de montrer que les résistances sont possibles et qu’elles nourrissent une solidarité par-delà les frontières.























Une soirée rendue possible par tout le travail de l’équipe de la Fondation, Agnès, Eloïse, Diego, Marie-Christine, Margot, Pierre et Tatiana ainsi qu’aux coups de main prêtés par de nombreuses personnes que l’on remercie chaleureusement.