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Université d’Été des Mouvements Sociaux et des Solidarités 2023

08.09.2023

Pour sa troisième édition, l’Université d’été des mouvements sociaux et des solidarités s’est tenue à Bobigny du 23 au 27 août. Ce sont 2 000 personnes qui sont venues participer aux ateliers, plénières et activités culturelles prévues au cours de ces 5 jours.

Une troisième édition pleine de (trans)formations au service des résistances

Portée par plusieurs organisations, cette université d’été s’est inscrite dans la continuité des mobilisations sociales et écologiques d’ampleur qui ont rythmé l’année ! Manifestations historiques contre la réforme des retraites, lutte contre les méga-bassines à Sainte-Soline, mobilisations face aux conséquences des travaux pour les Jeux Olympiques en Seine-Saint-Denis, le meurtre de Nahel, les répressions et violences policières, bouleversements écologiques majeurs, guerres et militarisation des sociétés, ces enjeux présents étaient au cœur des échanges.

Au cours de ces cinq jours, ce sont 152 activités qui ont été proposées par l’ensemble des organisations participantes. Fidèle à l’essence de ces rencontres, cette édition a néanmoins concrétisé certaines transformations. Nourries par la volonté de rompre avec les dynamiques de transmission de savoirs verticales, les pratiques d’éducation populaire étaient à l’honneur, valorisant les savoirs de chacun·e, les temps de formations et de débats de fond. La présence de nombreux·ses invité·es internationaux, venant de trente pays du monde, a quant à elle permis d’enrichir l’ensemble de ces espaces de leurs expériences de luttes et de leurs regards ! Enfin, convaincu·es qu’une part de nos engagements naissent et se nourrissent de nos ressentis, de notre sensibilité, les arts ont occupé une place importante, comme autant d’éléments centraux dans nos résistances, rayons de joie et portes ouvertes vers d’autres possibles. C’est pourquoi des concerts, des expositions et diverses activités culturelles ont étayé cette université d’été.

Autant de réalités qui font de ces universités d’été un rendez-vous politique, radical et populaire, féministe et antiraciste, démocratique et écologique !

Grâce à la présence de nombreux médias, dont TV Bruit, vous pouvez avoir un aperçu des différents échanges qui ont animé ces rencontres.

La Fondation aux UEMSS : des rencontres, des apprentissages et de la joie !

Après sa participation aux Résistantes, la Fondation a poursuivi son été engagé à Bobigny. Suivant le fil historique de nos engagements, ces cinq jours ont été l’occasion de faire le plein de nouvelles rencontres et de nourrir nos réflexions collectives. 

Luttes pour l’eau : des alliances qui se créent  

Alors que la pénurie d’eau affecte 40 % de la population mondiale, les géants de l’agro-alimentaire, de l’industrie minière et énergétique s’approprient les eaux, assèchent et détruisent de nombreux territoires. Face à cette situation alarmante, divers défenseur·ses de l’eau, d’ici et ailleurs, se sont retrouvés pour partager leurs expériences de lutte et initier la construction d’alliances. Après un premier temps de témoignages, des petits groupes ont travaillé autour de questions concrètes : comment utiliser l’éducation populaire pour repolitiser les enjeux autour de l’eau à rebours de l’approche techniciste ? Comment s’organiser à l’échelle internationale et européenne ? Comment redynamiser des alliances existantes ? Comment se donner un agenda commun des luttes pour l’eau qui renforce nos liens ?

Familier·es de la situation vécue au Chili dont témoigne Manuela Royo et celle du peuple Yukpa, partagé par Juan Pablo Gutierrez, nous avons beaucoup appris sur la réalité au cœur de la bande de Gaza et dans la région d’Oaxaca au Mexique.

Mutasem Eleiwa, paysan palestinien, a ainsi mis en avant les politiques de contrôle de l’eau par le gouvernement israélien. Déviation des rivières et puits creusés à la frontière de la bande de Gaza pour capter les eaux profondes, destruction des infrastructures et blocages du matériel destiné à (re)construire les installations d’assainissement, la pression d’Israël prend différentes formes. Tandis que les eaux usées, rejetées directement dans la mer, viennent polluer les côtés, causant des dommages irréparables sur les écosystèmes et affectant la santé des habitant·es. Malgré ces difficultés, les paysan·nes palestinien·nes ont créés un château d’eau et une pépinière solidaire à Khuza’a afin de poursuivre leurs cultures et leur résistance.

Près de l’isthme de Tehuantepec au Mexique, Mario Quintero, membre de l’assemblée des peuples indigènes de l’isthme pour la défense de la Terre et du territoire (APIIDTT) témoigne de logiques prédatrices similaires, incarnées par l’impérialisme étasunien. Alors que la baisse du niveau d’eau du canal de Panama risque de ralentir les flux commerciaux mondiaux, les Etats-Unis prévoient de construire une ligne ferroviaire à travers l’isthme. Ce méga-projet, implanté sur les terres de nombreux peuples autochtones de la région risque d’affecter directement les sources d’eau qui irriguent l’ensemble du territoire. Loin d’être le seul reflet du néocolonialisme dans la région, les habitant·es luttent également contre l’implantation de nouveaux parcs éoliens sur leurs terres. Des projets menés tambour battant par des entreprises européennes dont EDF.

De fait, au fil de cette université d’été, les voix se sont élevées, les unes après les autres, pour dénoncer la persistance de ces oppressions systémiques.

Face au système mondialisé, décoloniser le monde et internationaliser nos luttes

En effet, si l’histoire coloniale semble reléguée au passé, la réalité mise en lumière par de nombreux·ses invité·es internationaux présent·es à Bobigny, nous a montré qu’au sein de nombreux territoires, elle se conjugue toujours au présent. 

Nataanii Means, artiste et activiste sioux-Lakota, Diné-Navajo et Omaha nous a ainsi partagé son vécu de la résistance historique menée à Standing Rock contre le Dakota Access Pipeline (DAPL) tandis que Kanahus Freedom Manuel, des peuples Secwepemc et Ktunaxa, a mis en avant la lutte en cours en Colombie-Britannique contre l’oléoduc Trans Mountain de l’entreprise Kinder Morgan. Au fil de leurs témoignages, c’est une solidarité en acte, par le bas, entre les peuples, qui se révèlent et s’incarnent à travers des actions de mobilisation au cœur des territoires, les blocages de certaines infrastructures stratégiques, les pressions menées conjointement sur les banques et les assurances impliquées dans ces projets, le partage d’informations et un soutien mutuel.

Alexania Rossato, membre du Mouvement des personnes atteintes par la construction des barrages (MAB) faisait quant à elle état des luttes qui traversent le Brésil contre les barrages hydroélectriques. Derrière les apparences, ces infrastructures conduisent à des déplacements forcés de communautés entières, privées de leurs droits d’accès à la terre. Les conséquences environnementales et sociales ne sont guère plus reluisantes. Au-delà du déséquilibre des écosystèmes, ces barrages électriques, privatisés dans les années 90, alimentent les bénéfices d’entreprises au détriment des populations qui voient les prix de l’énergie s’envoler. Loin de se limiter aux activités extractivistes, les pratiques prédatrices se développent également à travers des projets de transitions énergétiques, présentés comme « verts », alors même qu’ils peuvent détruire des territoires entiers et violent les droits des communautés qui les habitent. Au Brésil, l’internationalisation de la lutte, aux côtés de la Via Campesina, a de nouveau dessiné des perspectives concrètes de résistances communes.

Territoires si divers confrontés aux avatars d’un même système hégémonique, il apparaît clairement que les ravages du vivant sont la « prolongation des violences sociales, patriarcales, racistes, coloniales subies par tous les corps subalternes depuis des siècles ». Ces rencontres, nous ont ainsi confortées dans l’idée que l’écologie que nous voulons défendre est nécessairement décoloniale, car elle « impose de penser l’émancipation dans un double volet : entre les humains et avec les autres vivants ». Persuadée que « pour sortir du système qui conduit la planète et l’humanité à la ruine, il est fondamental de donner droit de cité à d’autres imaginaires, à d’autres rationalités, à d’autres valeurs », la parole des premier.es concerné.es est précieuse, témoin essentiel que d’autres manières d’habiter le monde existent.

D’ateliers en conférences plénières, de nombreuses réflexions collectives se sont ainsi ouvertes autour de ces sujets. Comment soutenir les luttes du Sud Global sans reproduire les mécanismes de domination coloniale ? De quelles manières les luttes peuvent-elles se poursuivre malgré les violentes répressions ? Comment agir pour une réelle solidarité internationale par en bas, entre peuples ?  Comment créer des convergences et alliances entre les luttes sociales, écologistes et anti-racistes ? Autant de questionnements qui traversent par ailleurs nos collectifs et organisations.

De fait, la question du racisme, comme héritage du colonialisme, a été abordée à de nombreuses reprises lors des échanges. Fred Hampton Jr. militant révolutionnaire et antiraciste africain-américain basé à Chicago, ancien prisonnier politique et président du Black Panther Clubs, a notamment mis l’accent sur les manières de « parler de qui nous sommes ».  A travers des films comme « Judas and the Black Messiah », la musique hip hop et le travail de mémoire autour de l’histoire du mouvement, ce sont autant de codes de résistance sociale et culturelle contre ce racisme qui prennent forme. En écho, nous avons également découvert l’initiative du Parlement de rue. Crée par plusieurs collectifs de personnes sans papier, ce spectacle théâtral fait résonner la voix et les réalités vécues par les personnes exilées en France et dénonce, avec force et humour, les politiques migratoires utilitaristes mises en place par le gouvernement !

Décoloniser. Rencontre avec la coalition Rainbow peuples autochtones from Tv Bruits on Vimeo.

Internacionalismo decolonial y antiracista-Amerique latine from Tv Bruits on Vimeo.

Pour aller plus loin : « Décoloniser ! Notions, enjeux et horizons politiques » Passerelle, n°24, RITIMO

La joie de se retrouver et partager ces moments

Lors de ces quelques jours, nous avons eu la joie de partager des moments de convivialité avec de nombreux·ses allié·es. Deux ans après avoir reçu le prix Danielle Mitterrand, Ana et Sandra, des Jornaleras de Huelva en Lucha nous ont ainsi partagé les victoires remportées grâce à leurs actions syndicales et les nouvelles alliances qu’elles tissent avec les luttes écologistes de la région.

Nous avons également eu plaisir d’échanger avec divers acteur·ices sur les rôles que les lieux où l’expérience concrète du commun se fait au quotidien, peuvent jouer dans les (trans)formation de nos organisations. A partir des expériences des personnes de Brezoi en Roumanie, du Centre International de Culture Populaire (CICP) à Paris et de la Maison des Utopies en Expérimentation (MUE) nous avons réfléchit comment l’expérience concrète du commun peut s’avérer une école pour les collectifs et les activistes, et de dégager des pistes d’améliorations et de convergences de ces lieux.