Droits des femmes et droits à l’eau et à l’assainissement
08.03.2018
Faiblesse des cadres juridiques, manque d’installations, faiblesse de la gouvernance, raréfaction de la ressource, pollution ou accaparement des ressources en eau enrayent l’effectivité des droits humains à l’eau et à l’assainissement pour les populations locales. Ceci étant, c’est le facteur politique qui reste le plus prégnant. Les droits à l’eau et à l’assainissement dépendent directement de la volonté politique qui leur est allouée. L’existence d’inégalités entre les Hommes et les Femmes pour l’accès à ces droits vitaux en est la preuve. A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, la Coalition Eau et France Libertés analysent la situation des droits des femmes à l’eau et à l’assainissement aujourd’hui.
Où en est le droit à l’eau et à l’assainissement dans le monde?
Vivre sans eau est impossible. L’eau potable et l’assainissement sont essentiels pour le bien-être des êtres humains, en protégeant la santé et les moyens de subsistance et en contribuant à créer des environnements sains. L’ONU a reconnu à plusieurs reprises les droits humains à l’eau et à l’assainissement, et l’a à nouveau confirmé dans sa résolution de 2017. Parmi les Objectifs de Développement Durable adoptés par les Nations Unies pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous, la question de l’eau a été identifiée comme un objectif à part entière. Dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 : l’ODD 6 Eau et Assainissement a pour objet de “Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau”.
Pourtant, d’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’UNICEF :
→ 2,1 milliards de personnes, soit 30% de la population mondiale, n’ont toujours pas accès à des services d’alimentation domestique en eau potable
→ 4,5 milliards de personnes (60% de la population mondiale), ne disposent pas de services d’assainissement gérés en toute sécurité
→ 2 milliards de personnes utilisent des points d’eau contaminés par des matières fécales.
→ 1 000 enfants meurent chaque jour de la diarrhée, causée par un accès inadéquat à l’eau, l’assainissement et l’hygiène
→ Plus de 180 millions de personnes vivant dans des pays touchés par les conflits, la violence et l’instabilité n’ont pas d’accès de base à l’eau potable.
Pourquoi la situation des femmes et des hommes révèle des inégalités en terme de droit à l’eau?
La collecte d’eau, majoritairement réalisée par les femmes et les filles, rythme chaque jour l’emploi du temps de millions de femmes dans le monde (les filles et les femmes consacrent en moyenne 3 à 4 heures par jour en Afrique pour la collecte de l’eau). Cette situation entrave fortement les progrès en matière d’égalité femmes/hommes. Selon l’UNICEF, cela participe également au processus de féminisation de la pauvreté. Rappelons que, selon les Nations Unies, 70 % des personnes vivant dans une situation de pauvreté sont des femmes.
En outre, exécutant la plupart des tâches liées à la collecte de l’eau en dehors de chez elles, les femmes et les filles sont exposées à des risques d’agressions sexuelles. Un tiers des femmes dans le monde fait également face à ce type de violences car contraintes de faire leurs besoins à l’extérieur. C’est pourquoi la problématique de l’accès à l’eau et à l’assainissement est, pour de nombreuses femmes, synonyme de violences physiques et morales.
Les enjeux culturels et sociaux jouent eux aussi un rôle prépondérant dans l’effectivité du droit à l’eau des femmes. Les facteurs sociaux (catégorie sociale, âge, orientation sexuelle ou identité de genre) impliquent une grande diversité d’obstacles pour accéder au droit à l’eau. Notons également que le manque d’installations d’eau et d’assainissement adéquates conduit souvent femmes et filles à éviter une forme de vie publique et collective. Ces lacunes matérielles en matière d’hygiène dans les institutions publiques les empêchent parfois d’aller au travail ou à l’école – en particulier en période de menstruation. Le manque d’infrastructures sanitaires de base est une des causes principales de l’abandon scolaire de nombreuses jeunes filles. Les États doivent veiller à ce que les installations d’eau, d’assainissement et d’hygiène soient disponibles et accessibles (écoles, hôpitaux, lieux de travail, marchés, lieux de détention et espaces publics) et à ce que les besoins spécifiques des femmes et des filles soient incorporés dès la conception de ces installations. C’est pourquoi la participation des femmes à la prise de décision et à la planification est primordiale.
L’égalité des sexes est un principe fondamental des droits humains, mais les inégalités sur la base de l’identité de genre subsistent. Cela se traduit non seulement par une jouissance inégale des droits à l’eau et à l’assainissement, mais aussi par l’inégalité des chances et des violations graves des autres droits humains. Droit à une alimentation saine et variée, à la santé, droit à un logement adéquat, droit à l’éducation, droit au travail… L’accès aux droits à l’eau et à l’assainissement est indispensable à la réalisation des autres droits humains.
Leviers d’action pour le droit à l’eau des femmes : les outils juridiques et le rôle de l’État à garantir un accès à l’eau égal et non discriminatoire
Les outils juridiques et engagements politiques existent et la plupart d’entre eux promeuvent non seulement les droits à l’eau et à l’assainissement mais soulignent bien l’importance d’éliminer toute forme de discrimination à l’égard des femmes pour leur assurer des conditions de vie convenables.
L’objectif de développement durable n°6 vise ainsi à garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement au regard des 2 cibles suivantes:
- 6.1. D’ici à 2030, assurer l’accès universel et équitable à l’eau potable et à l’assainissement, pour tous;
- 6.2. D’ici à 2030, assurer l’accès de tous, dans des conditions équitables, à des services d’assainissement et d’hygiène adéquats et mettre fin à la défécation à l’air libre, en accordant une attention particulière aux besoins des femmes et des filles et des personnes en situation vulnérable.
Et les deux cibles de moyens suivantes:
- 6.a D’ici à 2030, développer la coopération internationale et l’appui au renforcement des capacités des pays en développement en ce qui concerne les activités et programmes relatifs à l’eau et à l’assainissement, y compris la collecte de l’eau, la désalinisation, l’utilisation rationnelle de l’eau, le traitement des eaux usées, le recyclage et les techniques de réutilisation
- 6.b Appuyer et renforcer la participation de la population locale à l’amélioration de la gestion de l’eau et de l’assainissement
Lors d’une intervention au Conseil des droits humains, Leo Heller, rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits humains à l’eau et l’assainissement rappelle que “les inégalités entre les sexes liées à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène sont omniprésentes et se produisent à tous les stades de la vie d’une femme – à travers l’enfance, l’adolescence, la parentalité, la maladie et la vieillesse. Il est urgent de veiller à ce que les femmes et les filles, tout au long de leur vie, aient les mêmes chances, les mêmes opportunités et les mêmes possibilités de mener une vie saine et autodéterminée.”
Pour que toutes personnes, a fortiori les femmes, puissent jouir pleinement de leur droits humains à l’eau et l’assainissement, les États doivent faire preuve d’un engagement politique fort.