« Le monde doit respecter les droits des peuples autochtones pour son propre futur »
11.10.2017
Témoignages autochtones [2/4]. 10 ans après l’adoption de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones par les Nations unies, où en est-on ? Herson Huinca-Puitrin, Mapuche, témoigne.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (la DNUDPA) a été adoptée par l’Assemblée Générale des Nations unies le 13 septembre 2007, après 25 ans de négociations entre les États, les acteurs internationaux et les peuples autochtones eux-mêmes. Ce texte est devenu la référence de l’ONU pour le respect des droits des peuples autochtones. Il affirme leur droit à l’autodétermination, au choix de leur développement, à la sécurité de leurs terres, ressources naturelles et savoirs traditionnels.
Par sa nature-même de « déclaration », ce texte est porteur d’une force morale mais n’a pas de valeur juridique contraignante. Il est donc difficile d’inciter les États récalcitrants à l’appliquer.
En 2017 sont célébrés les dix ans de l’adoption de la DNUDPA. France Libertés laisse la parole aux autochtones, les mieux à même de témoigner des avancées obtenues par la Déclaration et des combats qui restent à mener.
Herson Huinca-Piutrin est un chercheur Mapuche du Chili. Diplômé de l’Universidad de la Frontera, de l’Institut d’Etudes Politiques de Rennes et de l’ENS, il est spécialisé dans les peuples autochtones, l’accès à l’éducation supérieure et le colonialisme.
Actuellement, ses recherches portent sur le processus d’internationalisation du mouvement mapuche, la politique et l’autodétermination. Boursier du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme, il a également pu participer à plusieurs séances du Conseil des droits de l’homme ainsi que de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle.
Il dresse un bilan mitigé de la DNUDPA. Il souligne tout d’abord que sa négociation a intégré « des représentants autochtones venus du monde entier [et] a généré discussions, négociations et approbation de l’ensemble de [ses] articles ». Il rappelle toutefois que certains États ne reconnaissent les peuples autochtones et leurs droits que « sur le papier ou dans les discours », voire ne les reconnaissent pas du tout.
Herson Huinca-Piutrin explique qu’au Chili, après la colonisation, un projet pour le respect des droits autochtones avait été développé, et une loi à caractère néolibérale pour les peuples autochtones avait été adoptée. Un mouvement mapuche s’était distingué, réclamant la récupération de leurs terres, alors occupées par de grands propriétaires terriens. Mais l’instabilité gouvernementale à laquelle le Chili fit face durant plusieurs années a entrainé une criminalisation de ce mouvement, et la loi antiterroriste continue d’être utilisée pour emprisonner des dirigeants et des autorités traditionnelles mapuche.
Son message principal concerne une nécessaire décolonisation des mentalités de la classe politique et de la société non autochtone. Il argumente ainsi que « la normalisation du racisme dans les sociétés coloniales est l’un des moteurs ne permettant pas le respect des droits des peuples autochtones», et demande le démarrage d’un processus de réconciliation. Les étapes nécessaires de ce processus sont la découverte de la vérité sur la colonisation, la justice et les réparations pour les peuples autochtones.
Cette réconciliation devient urgente. Non seulement pour cesser de criminaliser et de dénier leurs droits aux peuples autochtones, mais également car « aujourd’hui, les peuples autochtones avec leurs modes de vies, leurs connaissances et épistémologies sont au service de la protection de la planète : c’est au monde de prendre la décision de respecter leurs droits, pour son propre futur ».